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je tiens en respect les hordes de la Mongolie[1] ; si je vais au-delà de mes frontières du sud lutter pour la possession de l’Empire, ai-je quelque chance de réussir ? — Et je lui répondis : L’homme habile et fort peut être maître de l’Empire ; mais on ne peut le gouverner autrement qu’au nom de la justice ! — Ces paroles ne sont jamais sorties de ma mémoire ; maintenant que mon rival n’est plus, je me les rappelle, et voilà pourquoi mes larmes coulent ! » Tous les officiers applaudirent à cette générosité.

Tsao-Tsao donna à la veuve de son ennemi de l’or, des étoffes précieuses et des grains, pour la consoler dans sa douleur, puis dans une proclamation il déclara : « Que le peuple des provinces situées au nord du fleuve, ayant eu à souffrir les maux de la guerre, seraient exemptés, cette année-la, du paiement de l’impôt. » Une fois ces grandes affaires réglées, il adressa à l’Empereur une dépêche pour lui faire connaître les événements de la campagne ; quant au gouvernement des districts de Ky-Tchéou, il le garda pour lui-même.

Le lendemain, Hu-Tcho, traversant au grand trot de son cheval la porte de l’est, rencontra Hu-Yéou qui lui dit : « Sans moi, vous ne passeriez pas si librement sous la porte de cette ville ! — Quoi, reprit Tcho avec colère, n’ai-je pas risqué ma vie à tout moment, ne me suis-je pas plongé au plus fort de la mêlée pour conquérir cette place ? Et vous osez vous vanter de la sorte !... — En vérité, reprit Yéou d’un ton de mépris, il vous sied bien de parler si haut, vous qui n’êtes qu’un officier de fortune ! » Hu-Tcho, transporté de colère, tira son sabre et abattit la tête du conseiller, qu’il alla montrer à Tsao-Tsao en lui expliquant le motif de leur querelle. « Hélas, s’écria le premier ministre, il était mon ancien ami, mon compagnon d’armes ! Pourquoi l’avez-vous tué ? » Et après avoir accablé de reproches le meurtrier, il fit ensevelir la victime.

  1. Les mots Mongou-Kouroun du mandchou, et Jong Ty du chinois de la grande édition, sont remplacés dans la petite par l’expression Cha-Mo, qui désigne le désert ainsi appelé et plus connu sous la dénomination de Kobi.