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penchant vers les gens de sa suite, leur demanda s’il n’y avait point dans cette ville quelques danseuses. Son neveu (Tsao-Ngan-Min, fils de son frère aîné) qui raccompagnait dans cette campagne en qualité d’intendant de sa maison[1], devinant sa pensée, lui répondit : « Hier soir, auprès du palais, j’ai aperçu une jeune femme de la plus rare beauté, que l’on m’a dit être la veuve de Tchang-Tsy lui-même. « A ces mots, Tsao lui donna ordre de prendre avec lui cinquante hommes armés de cuirasses et d’aller l’enlever ; elle ne tarda pas à lui être amenée ; c’était en effet une personne extraordinairement belle. Comme elle se prosternait à ses pieds, le premier ministre lui demanda son nom. — « Je me nomme Tséou-Chy, répondit-elle ; je suis veuve de Tchang-Tsy. — Et moi, savez-vous qui je suis ? — Depuis longtemps, seigneur, le bruit de vos exploits est arrivé jusqu’à moi ; et ce soir je me sens heureuse de m’agenouiller devant vous. »

Tsao continua : « C’est par considération pour vous que j’ai accepté la soumission de votre neveu ; sans cela, je le faisais périr avec toute sa famille. — En vérité, seigneur, vous nous rendez la vie », s’écria la jeune femme en se prosternant de nouveau.

« Aujourd’hui, reprit Tsao, je remercie le ciel qui vous amène près de moi. Cette nuit, restez sous ma tente, vous m’accompagnerez à la capitale, et je ferai de vous la première de mes femmes ; je vous le promets. »

Tséou-Chy répondit à ses offres par des démonstrations de reconnaissance, et ne sortit point du pavillon[2]. « Seigneur, dit-elle à Tsao, j’habite cette ville depuis longtemps ; Tchang-Siéou se doutera certainement de quelque chose. Si on sait que je suis ici, cela fera naître des bruits désagréables. — Demain, répondit le ministre, vous me suivrez à mon camp. »

  1. Littéralement : qui gouvernait les affaires de ses vêtements et de sa nourriture.
  2. Il semblerait que Tsao-Tsao habitait la ville dans laquelle il avait placé une partie de ses troupes ; cependant les deux textes disent expressément sous la tente ; on doit donc supposer que le premier ministre campait dans les murs où il ne devait passer que quelques jours.