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plus grande échelle !» Aussi, quand ses généraux vinrent lui parler des travaux entrepris par les assiégeants, et le prier de les détruire par une sortie : « Ils perdent leur temps, répondit-il ; qu’ils creusent de toutes leurs forces, tant qu’ils voudront ! »

Cette même nuit, Tsao-Tsao ajouta aux travailleurs dix compagnies de soldats qui firent tant d’efforts[1], chacun pour leur part, que le matin du jour suivant, le fossé avait la profondeur de deux mesures de dix pieds. Les eaux de la rivière y entrèrent, et dans la ville elles s’élevèrent à la hauteur de quelques pouces. Les vivres manquaient aux assiégés ; bien des soldats déjà avaient succombé a la famine ; ce fut dans cette circonstance que le transfuge Sin-Py, attachant au bout d’une pique le sceau, les vêtements, toute la dépouille de Youen-Chang, promena ce trophée autour des murailles pour appeler ces malheureux à la reddition. Exaspéré de cette conduite, le gouverneur (Chen-Pey) fit arrêter quatre-vingts personnes de tout âge et de tout sexe, qui appartenaient à la famille de ce général ; ils furent décapités sur les remparts, et leurs têtes lancées au pied des murailles. Dans sa douleur, Sin-Py poussa des sanglots et des cris que rien ne pouvait arrêter !

Les habitants restés dans la ville en étaient réduits à tuer les chevaux pour se nourrir ; les soldats mourant de faim ne pouvaient plus se tenir à leurs postes. Du haut des remparts, le neveu[2] du gouverneur, jeune homme appelé Chen-Yong, fut profondément ému d’entendre les lamentations incessantes de Sin-Py (pleurant le massacre de sa famille) ; et comme depuis longtemps il était très lié avec celui-ci, il conçut le dessein secret de remettre entre ses mains une des portes de la ville. Il le lui fit connaître au moyen d’une lettre lancée au bout d’une flèche, que les soldats trouvèrent et lui remirent. Sin-Py, après l’avoir lue, la porta à Tsao-Tsao. Le premier ministre assembla

  1. D’après une très courte note de l’édition in-18, on devine que Tsao n’avait fait creuser d’abord qu’une fosse étroite pour ne pas trop éveiller la vigilance des assiégés.
  2. C’est-à-dire fils du frère ainé, nuance qui nous importe peu ici, mais que les Chinois n’oublient jamais d’indiquer.