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grande route, je l’éviterais en effet, répliqua le premier ministre ; mais s’il s’engage dans un chemin détourné, s’il arrive par les montagnes, je l’attaque et il est à moi. Si je ne me trompe, il aura adopté ce second plan... » À ce moment on vient lui annoncer quelle route suivait Youen-Chang. « Ah ! s’écria-t-il en frappant dans ses mains, le ciel me rend maître de Ky-Tchéou ! – Puis il ajouta : Il ne manquera pas en arrivant de faire un signal, d’allumer des feux pour avertir la garnison d’agir de concert avec lui ; je n’ai qu’a diviser mes troupes, frapper sur deux points en même temps et je suis sûr du succès ! »

Déjà Youen-Chang, sortant à l’embouchure de la rivière Fo-Chouy, rassemblait ses troupes à cinq milles environ de sa capitale, dans l’est, au lieu appelé Yang-Ping. Un de ses côtés s’appuyait sur cette même rivière Fo-Chouy. Son premier soin fut d’ordonner aux soldats de former des amas de bois mort et d’herbe sèche, et d’y mettre le feu, afin de préparer un signal de nuit ; en même temps son secrétaire Ly-Fou, prenant le costume d’un inspecteur militaire de l’armée impériale, traversa hardiment le camp de Tsao-Tsao. Répondant à haute voix aux soldats qui gardaient la route, il put arriver jusqu’aux portes de la ville. Quand il demanda à entrer, Chen-Pey, qui reconnut sa voix, n’hésita pas à le laisser pénétrer dans les murs ; il lui apprit que leur maître, arrêté avec ses troupes à Yang-Ping, attendait que la garnison secondât son mouvement. Un feu allumé sur les remparts devait être le signal de la sortie.

Chen-Pey disposa des tas d’herbes destinés à produire le signal qui le mettrait en communication avec son maître. « La ville manque de vivres, dit Ly-Fou ; il faut en faire partir les vieillards, les enfants, les malades, ainsi que les femmes ; c’est le moyen d’éviter la famine. Que ce peuple évacue la place, et les soldats feront ensuite leur sortie. » Chen-Pey se mit en devoir d’obéir ; le lendemain, sur les remparts, il arbora une bannière blanche sur laquelle étaient tracés ces mots : « Le peuple de Ky-Tchéou demande à se soumettre. » Les soldats du camp impérial en avertirent Tsao-Tsao : « La ville manque de vivres, répondit-il ; on nous abandonne les bouches inutiles pour éviter