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votre maître est-il sincère ou simulé ? Les armées de YouenChang peuvent-elles être certainement détruites ? — Excellence, répliqua l’envoyé, ne demandez pas si c’est la nécessité ou un motif plus sincère qui pousse Youen-Tan à cette démarche ; considérez seulement sa position actuelle. Les fils de Youen-Chao se déchirent les uns les autres, sans qu’aucune personne étrangère soit venue semer entre eux la division ; la paix peut donc naturellement se rétablir dans l’Empire. Vous en avez une preuve dans le secours qui est si inopinément réclamé de votre excellence. Youen-Chang, après avoir réduit son frère à la dernière extrémité, n’a pas pu, cependant, le détruire tout à fait ; ses forces sont donc épuisées. Au dehors, les armées des Youen ont éprouvé une suite de défaites ; au dedans, les meilleurs conseillers ont péri dans les supplices[1] ; deux frères se calomnient et en viennent aux mains, voilà un royaume partagé. De longues guerres ont amené la misère dans le pays[2] ; de plus, la sécheresse a engendré les sauterelles, le peuple meurt de faim, les greniers et le trésor sont vides. Les provisions manquent aux troupes en campagne[3]. D’une part, le ciel verse sur nous ses fléaux ; de l’autre, le peuple est réduit au désespoir. Il ne faut interroger ni les insensés, ni les sages, pour savoir, ce qui est à la connaissance de tous, que l’argile éclate et que le vase se brise en morceaux. Voila le moment marqué par le ciel pour la ruine des Youen. Il est dit dans l’art militaire : des murailles de pierre, des fossés pleins d’eau, et cent mille soldats couverts de la cuirasse, ne suffisent pas à vous défendre, si vous manquez de vivres. Aujourd’hui, seigneur, vous attaquez la ville de Nié[4] ; si Youen-Chang ne revient pas en arrière pour la secourir, elle est prise. S’il retourne sur ses pas pour la défendre, Youen-Tan tombe sur ses

  1. Allusion à la mort de Tien-Fong et d’autres mandarins, injustement condamnés par Youen-Chao.
  2. Littéralement : par la guerre de ces années qui se suivent, les poux ont éclos dans les cuirasses et dans les casques.
  3. Littéralement : si l’on marche, il n’y a pas de grains dans les sacs.
  4. Nié ou Yé est le nom d’une ville du Chan-Tong, fondée par Houan-Kong, roi de Tsy, l’an 685 avant J.-C.