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se mit en devoir de marcher sur la capitale même du pays ; Youen-Tan et Youen-Chang se jetèrent dans la place pour la défendre, tandis que Youen-Hy et Kao-Kan allèrent camper à quelques milles de là pour simuler une puissante armée. Nuit et jour les soldats de Tsao livraient d’inutiles combats, si bien qu’à la longue le conseiller Kouo-Hia se prit à dire : « Youen-Chao a beaucoup aimé deux de ses enfants, ce qui l’a empêché de choisir son successeur[1] ; aujourd’hui, les circonstances les tiennent réunis, mais chacun d’eux a ses partisans ; dans un premier moment de péril, ils se sont mutuellement secourus ; mais bientôt la discorde les armera les uns contre les autres. Ne vaut-il pas mieux conduire nos troupes dans le sud, tourner nos efforts contre Liéou-Piao. Pendant que nous soumettrons celui-ci, le temps amènera les changements que nous attendons ; et quand la division se sera mise entre les trois frères, il suffira d’une campagne pour affermir à jamais notre entreprise ! » Le conseil parut excellent à Tsao-Tsao ; confiant à Hia-Hu et à Tsao-Hong le commandement des villes de Ly-Yang et de Kouan-Tou, il revint droit à la capitale de l’Empire. Instruits de sa retraite, Youen-Tan et Youen-Chang se félicitèrent mutuellement ; quant à Youen-Hy et à Kao-Kan, ils s’en retournèrent dans leurs districts.

Seul avec ses deux intimes conseillers[2], Youen-Tan leur dit : « Je suis l’aîné et cependant il ne m’est pas donné de succéder à mon père dans le royaume qu’il a fondé. Mon plus jeune frère (Chang), né d’une femme inférieure à notre mère, jouit aujourd’hui de mon héritage... Comment ferai-je pour le lui arracher ? — Maître, répondit Kouo-Tou, vous pourriez établir vos troupes hors des murs, inviter à un repas Youen-Chang et son confident Chen-Pey, puis au moyen de sicaires armés de coutelas et de haches, mis en embuscade sous la tente, vous les feriez égorger tous les deux. Vos projets réussiraient ainsi complétement.. » Youen-Tan goûtait ce dessein ; il le développa

  1. C’est-à-dire de le proclamer et de le faire reconnaître, au lieu de le désigner par testament.
  2. Ce sont, on se le rappelle, Kouo-Tou et Sin-Ping.