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adoptifs[1] ; Tsao-Tsao n’est-il pas au fond un tyran qui se joue de la majesté impériale ; Youen-Chao ne refuse-t-il pas d’écouter les avis sincères, n’est-il pas le bourreau des sages et des gens de bien ? Avec des personnages de cette trempe, pouvait-il s’entendre pour marcher dans la voie de l’humanité et de la justice ? Mon maître sert loyalement le souverain ; il est dans ses promesses, d’une fidélité éprouvée ; il se distingue par sa droiture et l’accomplissement des premiers devoirs[2]. Est-il donc fait pour obéir à des hommes grossiers ? Il apprend aujourd’hui que le seigneur Liéou-Piao, rejeton de la famille impériale des Han, et son aîné à lui-même, est généreux et d’un grand cœur, qu’il respecte les vieillards et honore les sages, protége le peuple et étend sa sollicitude à toutes les créatures, qu’il est le héros du siècle, et qu’enfin il règne sur un territoire immense ; il apprend ces choses, il accourt de bien loin se jeter entre ses bras ! Et vous, vous prononcez des paroles perfides et mensongères, qui tendent à perdre les sages et à exciter des soupçons jaloux contre les gens capables... »

À cette réponse, Liéou-Piao, adressant la parole au mandarin Tsaï-Mao, avec l’accent de la colère, s’écria : « Ma résolution est irrévocablement prise ; trève de discours ! » Et le conseiller se retira rouge de honte. « Où est votre maître, demanda Liéou-Piao à Sun-Kien ? — A l’embouchure du Kiang, répondit celui-ci. — Eh bien, dit Liéou-Piao, je vais aller au-devant de lui, hors de ma capitale. » — Ainsi fit-il ; après avoir envoyé Sun-Kien en avant, en compagnie de quelques personnes de sa suite, il[3] marcha trois milles à la rencontre de Hiuen-Té qui, dès qu’il le vit, se précipita à

  1. Voir vol. I°, page 61, et page 151.
  2. Littéralement : par la droiture et la piété filiale. Nous avons déjà expliqué que les Chinois entendent, par cette dernière expression, à peu près toute la morale privée et publique.
  3. Liéou-Piao va au-devant de Hiuen-Té, précisément comme Youen-Chao l’avait fait aussi ; mais il y a cette différence entre les deux circonstances analogues, que la première fois Hiuen-Té arrivait seul près de Youen-Chao, tandis que la seconde, en se soumettant à Liéou-Piao, il amenait avec lui ses braves compagnons. (Note de l’édition in-18).