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premier ministre, qui lui-même avait rangé ses troupes en bataille en haut du fleuve. Les gens de la contrée venaient au-devant de l’armée impériale avec des paniers pleins de vivres et des cruches pleines de vin. Dans la foule, Tsao-Tsao remarqua un vieillard à barbe blanche, qui vint se prosterner devant lui ; il le fit entrer dans sa tente, lui montra un siége et le vieillard répondit aux questions que le premier ministre lui adressait sur son âge : « J’ai près de cent ans ! — Et pourquoi paraissez-vous si joyeux quand mes troupes viennent jeter l’effroi et le désordre dans votre pays ! »

« Du temps de l’Empereur Hiouan-Ty, reprit le vieillard, une étoile de couleur jaune parut hors des deux royaumes de Song et de Tsou[1]. Un très habile astrologue de ce pays de Liéou-Tong, Yn-Koué vint me dire au milieu de la nuit : L’étoile jaune a paru dans le ciel, et puisqu’elle brille maintenant, dans cinquante années un saint homme se lèvera dans le pays de Liang-Pey ; personne ne pourra lui résister ; il ne trouvera plus d’ennemi dans tout l’Empire. Or, voilà que les cinquante ans sont révolus ; Youen-Chao a accablé le peuple d’impôts trop pesants, aussi le peuple le hait. Votre excellence, à la tête d’une armée de soldats humains et fidèles, console le peuple et punit les méchants ; dans le combat de Kouan-Tou, votre excellence a détruit l’innombrable armée de Chao ; tout cela se rapporte au temps fixé par l’astrologue ; la nation va enfin jouir du repos attendu ! »

« Bon vieillard, répondit Tsao en souriant, comment serais-je le héros qu’annoncent vos paroles ! » — Puis il lui donna des vivres, du vin, des étoffes précieuses, et fit savoir dans les trois corps d’armée, que quiconque tuerait les animaux domestiques[2], serait puni comme s’il eût tué un homme. Aussitôt Tsao put

  1. Le royaume de Song est celui que fonda Liéou-Hiuen-Té, et qu’il légua à ses successeurs ; on appelle cette dynastie Han-Postérieurs. Le royaume de Tsou est celui que Sun-Tsé légua à ses frères. Le royaume dans lequel régna la famille de Tsao, s’appela royaume de Wey.
  2. Littéralement : un coq ou un chien. L’édition in-18 ajoute en note : Il y a des temps où les hommes sont méprisés comme des coqs et des chiens ; il y a des temps où l’on estime les coqs et les chiens autant que les hommes. Tout cela dépend des circonstances.