Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peine eut-il précipitamment traversé le fleuve, que de toutes parts les soldats l’enveloppaient. De part et d’autre, on combattait avec acharnement, et Youen-Chao se vit réduit à abandonner ses papiers, ses plans, ses trésors, ses effets précieux, pour sauver sa vie. Il ne lui restait plus que huit cents hommes avec lesquels il continua de fuir. En vain les cavaliers de Tsao voulurent-ils le poursuivre. Derrière lui, il laissa un butin immense ; ceux d’entre les vaincus qui feignaient alors de se rendre, furent tous décapités ; il en périt bien quatre-vingt mille dans cette mêlée. Le sang remplissait les fossés, les cadavres embarrassaient et souillaient les eaux du fleuve comme des tas d’herbes marécageuses.

Cette armée de sept cent cinquante mille hommes que Youen-Chao avait amenée la, y périt tout entière.

Tsao distribua à ses soldats l’immense butin de cette journée ; parmi les papiers de son ennemi il trouva des lettres secrètes qui trahissaient des intelligences entre les gens de cette armée et des habitants de la capitale. Hu-Yéou lui conseilla de prendre les noms de ces traîtres et de les faire mettre à mort.

« Youen-Chao était puissant, répondit Tsao, et moi je ne l’étais guère ; j’avais grand’peine à me défendre ; pouvais-je donc inspirer beaucoup de confiance aux autres ; » et il brûla tous ces papiers[1].

Au milieu de l’armée vaincue, Tsou-Chéou restait, car il n’avait pu fuir. On le prit donc, et comme le premier ministre le connaissait de longue date, il se le fit amener. Mais arrivé devant la tente, le captif s’écria  : « Je ne me soumets pas, je suis prisonnier !... — Votre ancien maître, répondit le vainqueur, a été assez fou pour ne pas écouter vos conseils. Aujourd’hui que l’Empire n’est pas encore affermi, aidez-moi de vos lumières. – Mon père, ma mère, mes frères sont entre les mains de Youen-Chao, reprit le captif ; si vous avez pitié de moi, seigneur,

  1. L’éditeur du texte in-18 ne pouvant ôter au ministre usurpateur le mérite de cette belle action, n’oublie pas de dire en note que l’Empereur Kwang-Wou-Ty, restaurateur de la dynastie des Han, lui en avait donné l’exemple. Voir l’Histoire générale de la Chine, tome III, page 270.