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vèrent d’autres divisions envoyées par Youen-Chao ; mais Tsao se montra derrière ses lieutenants. Les deux généraux de l’armée du nord, serrés de près en tête, en queue et sur les côtés, s’esquivent à grand’peine en se faisant jour au travers des lignes. Après ces derniers combats, le ministre rallie ses troupes pour les ramener à leur camp ; Youen-Chao rassemble ses divisions maltraitées et regagne avec elles ses retranchements. Ce fut alors qu’il vit venir le gouverneur Sun-Yu-Kiong et ses compagnons d’infortune, horriblement mutilés ; quand il apprit par les réponses des soldats que ce mandarin, ivre au moment de l’attaque, n’avait pas pu défendre la ville de Ou-Tchao confiée à sa garde, il se laissa aller à sa colère et le fit décapiter avec les malheureux qui l’accompagnaient.

Cependant Kouo-Tou (qui avait proposé l’attaque contre le camp de l’ennemi), craignant les rapports que feraient Tchang-Ho et Kao-Lan, au retour de cette malencontreuse expédition, courut tout d’abord trouver Youen-Chao et lui dit : « Ces deux généraux ont paru enchantés de la déroute des troupes et de la mort de leurs collègues ! — Pourquoi cela, demanda Youen-Chao avec une surprise mêlée de crainte ? — Parce que, depuis longtemps ils ont envie de passer à l’ennemi ; ils se sont battus très mollement, et leurs soldats ont beaucoup souffert. »

Dans sa fureur, Youen-Chao donna ordre de les arrêter comme coupables de trahison, à leur arrivée au camp ; de son côté le conseiller Kouo-Tou leur envoya dire : « Notre maître veut vous faire prendre et décapiter. » L’envoyé de Youen-Chao s’étant approché d’eux, ils lui demandèrent quel sort les attendait. — « Je n’en sais rien, » répondit celui-ci ; à ces mots Kao-Lan l’abattit d’un coup de sabre. « Où irons-nous, après ce que vous venez de faire, s’écria son collègue Tchang-Ho épouvanté ? — Youen-Chao n’a point la générosité qui convient à un maître, répliqua Kao-Lan ; il n’écoute que les calomnies. Soyez-en sûr, il périra dans sa lutte contre Tsao. Et nous, resterions-nous ici à attendre paisiblement la mort ? Non ; le meilleur parti que nous puissions prendre, c’est de passer sous les drapeaux du premier ministre, »