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de ce côté ; les cadavres jonchent le sol, la flamme illumine tout l’horizon, la fumée remplit les airs. Déjà les deux officiers ennemis tombent sous les coups des soldats de Tsao qui s’est retourné contre eux ; les autres périssent au milieu de leurs troupes. Au gouverneur et aux autres chefs surpris dans la ville, Tsao-Tsao fait couper le nez et les oreilles, mutiler les pieds et les mains, puis il les lie sur des chevaux, et les renvoie en cet état à Youen-Chao pour lui témoigner son mépris.

Cependant Youen-Chao apprenait par ses propres soldats que dans le nord les flammes emplissaient le ciel ; il reconnut que la ville de Ou-Tchao était perdue, et demanda conseil à ses mandarins civils et militaires. « Laissez-moi courir avec Kao-Lan et arrêter l’incendie, s’écria Tchang-Ho ; laissez-moi exterminer les brigands ! — Mauvais plan, interrompit Kouo-Tou ; aujourd’hui qu’il est venu pour détruire nos grains, Tsao-Tsao n’aura pas manqué de se porter en personne sur la ville attaquée avec tout son monde. Son camp doit être à peu près dégarni ; marchons de ce côté, et sans aucun doute nous pourrons enlever ses retranchements. Au bruit de notre départ, il reviendra précipitamment sur ses pas (et l’incendie cessera) ; tel est le stratagème que jadis employa Sun-Pin, pour triompher du royaume de Goey et sauver celui de Yen[1]. — Et moi, s’écria

  1. Sun-Pin fut un des grands capitaines du roi de Goey, Hoey-Wang. L’an 354 avant notre ère, Pang-Kiuen, général comme lui au service du prince de Goey, ayant été nommé au commandement supérieur des armées, on dit que c’était un passe-droit ; Pang-Kiuen pour se venger de ces discours, fit couper les pieds et meurtrir le visage de Sun-Pin, qui passa au service du prince de Tsi et le dirigea dans ses expéditions contre celui de Goey. Si c’est bien ce Sun-Pin dont il est ici question, il faudrait au lieu de Yen, lire Tsi ; l’histoire ne faisant point intervenir le pays de Yen dans les querelles qui divisèrent à cette époque les princes feudataires. (Voir l’Histoire générale de la Chine, tome II, page 276, l’événement auquel ce passage semble faire allusion). Au reste, l’édition in-18 dit le royaume de Hân (distinct de celui de Han d’où sortait la dynastie régnante), et le dictionnaire chinois de Kang-Hi, au caractère Yen (Basile, 5,544), cite l’ode 7° du Chy-King, section Ta-Ya, qui commence par ces mots  : « Elle est vaste cette ville de Hân, que les habitants de Yen ont achevée. » Ce qui explique comment la même ville, et par suite le petit royaume dont elle était le chef-lieu, peut avoir deux appellations distinctes.