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soupir, nos troupes vont bientôt être détruites, et mes os pourriront je ne sais où !» Après ces paroles, il se retira plein d’indignation[1].

Cette nuit-la, le gouverneur Sun-Yu-Kiong, ayant achevé de compter et de passer en revue les grains reçus nouvellement, assembla ses généraux, leur offrit un repas et se coucha sous sa tente, gorgé de vin. Pendant ce temps-là, Tsao avait fait prendre à ses soldats des paquets d’herbes sèches et des fascines ; à la seconde veille, ils arrivèrent sous la partie gauche du camp de Youen-Chao, et répondirent aux sentinelles des autres divisions qui s’avançaient pour les reconnaître : « Nous sommes envoyés par le général Tsiang-Ky, pour augmenter la garnison destinée à défendre les grains de Ou-Tchao. » À ces mots, les soldats de l’armée du nord regardent les bannières ; ce sont bien celles de Youen-Chao. Prenant un chemin détourné, les troupes déguisées traversent plusieurs postes en répétant le même mot d’ordre et pénètrent, sans obstacles, vers la quatrième veille, dans la ville même. Tsao avait recommandé à ceux qui portaient les matières inflammables, de mettre le feu aux quatre coins des magasins ; officiers et soldats entrent tambour battant... Le gouverneur ne s’était pas encore éveillé de son ivresse. Au bruit, il se lève précipitamment, demande la cause de ce tumulte et retombe assoupi, avant d’avoir une réponse[2].

Deux officiers ( Koué-Youen-Tsin et Tchao-Jouy ) revenaient de chercher des grains ; quand ils voient la flamme dévorer les magasins, ils accourent pour arrêter l’incendie. Les gens de l’arrière-garde avertissent Tsao du danger ; celui-ci crie à haute voix : « L’ennemi est derrière nous ; c’est là qu’il faut organiser la résistance ! » Tous ses généraux se précipitent vigoureusement

  1. Dans la suite, dit l’édition in-18, on a fait à ce propos les vers suivants :

    « Il a fermé l’oreille aux conseils loyaux, et les a crus sortis d’une bouche ennemie.
    » Ce Youen-Chao n’était qu’un pauvre homme aux vues étroites !
    » Bien des provisions avaient été amassées dans Ou-Tchao au commencement de la campagne,
    » Et il sembla se borner uniquement à défendre sa ville de Ky-Tchéou. »
  2. Youen-Chao buvait et dormait, le gouverneur de Ou-Tchao buvait et dormait ; tel maitre, tel serviteur. (Note de l’édition in-18).