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lui-même cinq mille soldats, fantassins et cavaliers, qui furent vêtus comme les soldats ennemis, et portèrent des bannières aux couleurs de Youen-Chao. « Seigneur, lui dit le général Tchang-Liéao, comment se fait-il que Youen-Chao, après avoir réuni tant de provisions en un même lieu, n’ait pas pris plus de précautions pour les garder ?... Ne vous fiez pas si facilement à ce conseil. Peut-être est-ce un piége que vous tend ce transfuge ? — Non, reprit Tsao ; l’arrivée de ce mandarin dans mon camp est un signe que le ciel veut la ruine de mon rival. D’ailleurs, nous n’avons plus de vivres ; nous ne pouvons plus tenir ici, et si je ne suis ce conseil (qui vous semble dangereux), que nous reste-t-il à faire ? Attendre, dans l’inaction, que nous soyons réduits à la dernière extrémité ! Et si cet homme était un traître, demeurerait-il au milieu de nous ? Il y a longtemps que je voulais assaillir les retranchements de Youen-Chao. Je vous en prie ; dissipez vos soupçons ! »

« Mais, répliqua Tchang-Liéao, n’est-il pas à craindre que l’armée ennemie ne profite de l’occasion pour nous attaquer de son côté ? — Non, dit Tsao, avec un sourire ; ma résolution est irrévocablement arrêtée. »

Laissant la garde du camp principal à Sun-Yéou, à Hu-Siéou, à Kia-Hu et à Tsao-Hong, il fit embusquer à la gauche des retranchements, avec un corps d’armée, Hia-Héou-Tun et son frère Hia-Héou-Youen ; à la droite se postèrent Tsao-Jin et Ly-Tien, avec un second corps. A l’avant-garde marchaient Tchang-Liéao et Hu-Tchu ; à l’arrière-garde, Su-Hwang et Yu-Kin ; Tsao était au centre avec ses autres généraux. Les soldats avaient le bâillon à la bouche, et les chevaux le frein qui les empêche de hennir[1]. Cinq mille hommes en tout, composant l’expédition,

  1. A l’article 4 de Ssé-Ma sur l’art militaire, au chapitre intitulé De la majesté des troupes, on lit le passage suivant : S’il arrive que pendant la nuit on veuille faire quelque coup de main, ou s’il est à propos d’aller surprendre l’ennemi dans son camp, il faut que les hommes mettent dans leur bouche le bâillon qui est destiné à cet usage et qu’ils portent toujours pendu à leur cou, pour s’en servir dans l’occasion ; il faut aussi qu’on mette à