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un conseiller militaire du nom de Hu-Yéou (son surnom honorifique Tsé-Youen). Ce mandarin (né à Nan-Yang) très orgueilleux, toujours avide de s’attirer des présents, avait été dans son enfance ami de Tsao-Tsao ; en ce temps-la, il occupait près de Youen-Chao le rang de conseiller. À peine eut-il en son pouvoir les lettres interceptées, qu’il courut se présenter devant Youen-Chao. — « Qu’y a-t-il, demanda celui-ci ? — Tsao a levé des troupes et est venu à Kouan-Tou pour nous arrêter dans notre marche, répondit le conseiller ; sans aucun doute, il a laissé la capitale dégarnie de soldats. Si, partageant notre cavalerie en deux corps, nous nous portions de nuit sur cette ville, il se pourrait qu’elle fût enlevée. Nous irions demander à l’Empereur l’ordre de châtier Tsao qui ne nous échapperait pas. De cette façon, sans courir de grands dangers, le frappant sur deux points, par devant et par derrière, nous le battrions infailliblement. Voici que ses vivres sont épuisées ; profitons de la circonstance ; attaquons-le de deux côtés à la fois !. »

« Ah ! reprit Youen-Chao, c’est un ennemi fertile en ressources et en stratagèmes. Ces lettres sont fausses et écrites pour nous tenter. — Eh bien, dit le conseiller, si nous ne le détruisons pas aujourd’hui, nous périrons par ses mains !.. » Et comme il exhortait Youen-Chao à aborder l’entreprise, un homme arriva de Nié-Kiun, apportant une lettre de Chen-Pey dans laquelle celui-ci, après avoir exposé les choses relatives aux grains, ajoutait  : « Hu-Yéou lui-même, pendant son séjour dans le district de Ky-Tchéou, a pillé l’argent du peuple ; les gens de sa famille, s’étant approprié les grains et l’argent du trésor provenant des impôts déjà acquittés par les habitants, je les ai fait tous jeter en prison, et tous ils ont, à l’interrogatoire, avoué la vérité de ce que j’avance. »

Quand il eut lu cette lettre, Youen-Chao ne se possédant plus s’écria  : « Misérable voleur[1] ! Tu oses impudemment paraître

  1. Celui qui excelle dans l’art d’employer les hommes, dit en note l’édition in-18, en tire toujours parti, fussent-ils avides d’argent ou menteurs. Ce Hu-Yéou était un voleur, c’est vrai, mais ses plans méritaient d’être suivis ; et Youen-Chao les rejeta ! (Le célèbre conseiller) Tchin-Ping avait eu la faiblesse aussi lui de se laisser tenter par de l’argent, et (le fondateur de la dynastie des Han) Kao-Tsou, le combla de richesses pour se l’attacher comme un fils.