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Cependant les vaincus avaient ramené quelques chariots ; Youen-Chao, aveuglé par la colère, voulait mettre à mort Han-Mang ; mais cédant aux supplications de ses officiers, il se borna à lui donner la bastonnade et le fit rentrer dans la classe des soldats. « Les vivres sont ce qu’il y a de plus important dans une armée, dit alors Chen-Pey ; il ne faut donc rien négliger pour s’en procurer. La ville de Ou-Tchao est un lieu d’approvisionnement et qu’il serait urgent de garnir de troupes, afin de le bien défendre. — Mes projets sont arrêtés, répliqua Youen-Chao ; je veux que vous alliez à Nié-Kiun pour y préparer des vivres, et que nos troupes ne restent pas plus longtemps privées de ce qui leur est nécessaire. Ainsi, partez au plus vite. »

« Mais, reprit Chen-Pey, les affaires de cette campagne sont très graves (et nécessitent ma présence ici) ; puis-je les abandonner tout d’un coup ? — Depuis vingt ans je conduis des armées ; y a-t-il donc quelque chose que je ne puisse faire moi-même, dit Youen-Chao ? Vous vous donnez l’importance d’un Siao-Ho[1], et en vérité, vous n’êtes bon à rien ! Ne lassez pas mon indulgence ! » Chen-Pey fut donc obligé de partir. Aussitôt YouenChao envoya un général de première classe, Sun-Yu-Kiong, et son lieutenant Koué-Youen-Tsin, ainsi que d’autres officiers supérieurs[2], garder, avec vingt mille hommes, les blés qui se trouvaient entassés dans la ville de Ou-Tchao. Or, Sun-Yu-Kiong (son surnom honorifique Tchong-Kien), aimait beaucoup à boire ; il était violent dans ses colères et traitait mal les soldats. A peine arrivé à son poste, il se mit à festoyer ; jusqu’au soir, il restait à déguster de bon vin en compagnie de ses officiers.

Pendant ce temps, les vivres s’épuisaient dans l’armée de Tsao-Tsao, qui envoya des émissaires à la capitale (vers Sun-Yo et Jin-Kiun), pour les presser de lui expédier des provisions à marches forcées. A peine hors du camp, ses courriers étant tombés entre les mains de l’ennemi, furent menés devant

  1. Siao-Ho fut premier ministre de Liéou-Pang (fondateur de la dynastie des Han), qu’il éclaira par ses conseils et soutint par son sang-froid ; voir l’Histoire générale de la Chine, vol. II, page 453.
  2. C’étaient Han-Kiu-Tsé, Liu-Wey-Hwang et Tchao-Jouy.