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Aussi voyant cette colline se former autour de son camp, Tsao envoya-t-il deux de ses lieutenants contre l’ennemi, pour qu’ils s’ouvrissent un passage ; mais les archers de Chen-Pey embusqués au point le plus difficile du défilé les repoussèrent.

Dix jours s’écoulèrent, durant lesquels une cinquantaine de montagnes artificielles furent élevées ; sur ces tertres se dressèrent des tours volantes[1], que garnit bientôt la moitié des archers. Les traits pleuvaient par torrents du haut de ces tours ; les soldats de Tsao épouvantés au dernier point se couchaient sous leurs boucliers pour éviter ces coups. Chaque fois que le gong retentissait, des nuées de flèches tombaient dans le camp de Tsao, et ses gens blottis sous leurs pavois se couchaient à terre ; ce qui provoquait les cris joyeux et les rires bruyants de l’ennemi.

Enfin, Tsao, voyant ses troupes démoralisées, pria ses conseillers de lui indiquer un moyen de sortir de ce mauvais pas. L’un d’eux, Liéou-Yé, proposa de construire des chars à lancer des[2] pierres ; il fut immédiatement chargé de ce soin. Dans la même nuit, une centaine de ces machines furent établies ; et on les plaça vis-à-vis de chacune des tours ; ainsi, quand les traits partaient d’en-haut, les assiégés amenaient leurs chars et les faisaient jouer à l’envi. De gros blocs de pierres lancés par les engins volaient dans les airs et frappaient les tours de bois, de sorte que les archers et les arbalétriers perchés sur ces machines, n’ayant point où s’abriter, recevaient en grand nombre le coup de la mort. « Ces instruments terribles sont véritablement la foudre[3] », disaient les soldats du nord ; et ils n’osaient plus monter sur leurs tours pour assaillir les assiégés.

  1. Littéralement  : échelle (pour escalader les) nuages. Voir les vol. VII et VIII des Mémoires sur les Chinois. Toutes ces ruses de guerre, tous ces mouvements stratégiques sont expliqués au vol. VII de ces mêmes Mémoires ; ils ont donc un intérêt particulier pour les Chinois qui, avides de retrouver partout la tradition, ne se plaisent point comme nous à rencontrer l’imprévu. Il leur faut des allusions historiques, ou des réminiscences, des applications d’un texte qui a fait le sujet de leurs études.
  2. C’est-à-dire des balistes montées sur des roues.
  3. L’édition in-18 explique ainsi dans une note ces paroles des soldats : Les flèches qui sont lancées de haut en bas, on les appelle pluie ; quand elles vont de bas en haut, on les appelle foudre. Après la pluie, le ciel s’abaisse, et le tonnerre, la foudre, s’élance de la terre au firmament.