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qui vinrent camper à Yang-Wou ; l’ensemble des tentes occupait une étendue de trois lieues ; à cette nouvelle, l’effroi se répandit dans l’armée de Tsao-Tsao.

Avant qu’on ne livrât bataille, Tsou-Chéou dit à Youen-Chao : « Les gens du nord sont bien nombreux, mais ils n’égalent pas en valeur les troupes du midi. Les troupes du midi sont pleines d’expérience dans la guerre, mais elles n’ont pas des provisions en aussi grande abondance que celles du nord. Or, puisque l’armée du midi manque de vivres, son avantage est d’engager le combat sans plus tarder. L’armée du nord a donc sur quoi compter ; elle doit garder son camp ; il lui suffit, et elle peut le faire, de leurrer pendant des mois les troupes venues du midi, pour que celles-ci soient vaincues sans combattre[1]. »

« Tien-Fong jetait le découragement dans le cœur de mes soldats, et je l’ai fait mettre en prison, répliqua Youen-Chao avec colère ; à mon retour, il peut s’attendre à mourir.... Et vous osez parler de la sorte ?... Gardes, entraînez-le ! Quand j’aurai vaincu Tsao je ferai tomber sa tête avec celle de son collègue ! » Dans le camp de Tsao, le conseil était assemblé aussi ; Sun-Yéou disait : « Cette armée du nord, toute nombreuse qu’elle se montre, ne doit pas nous faire peur. Dans notre armée du midi, chaque soldat est un héros qui en vaut dix de ceux qu’il vient combattre. Notre avantage est d’attaquer au plus vite ; car si nous laissons passer les jours et les semaines, les vivres venant à manquer, nos troupes se disperseront. » Ces paroles s’accordaient avec la pensée de Tsao ; il les approuva et donna le signal de l’attaque ; une moitié de l’armée ennemie se présenta pour

  1. L’armée du midi est celle de Tsao ; l’armée du nord est celle de Youen-Chao. L’auteur, emporté par son désir de peindre Youen-Chao comme un homme irrésolu et violent, le replace encore dans la même situation ; il le montre toujours prêt à rejeter les bons conseils, à suivre les mauvais avis, en un mot courant à sa perte tête baissée, tandis que Tsao, plus habile et plus prudent, prête l’oreille aux paroles de ses mandarins et assure sa victoire.