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zèle aux intérêts de la famille ; et frappant le sol de son front devant Sun-Kuen, qui le salua d’une façon respectueuse, et le supplia aussi de graver dans son âme les paroles pressantes du mourant ; il ajouta  : « Je voudrais[1] donner ma vie pour témoigner la reconnaissance qui m’anime ! »

« Ce royaume qu’ont fondé mon père et mon frère aîné, reprit Sun-Kuen, comment le mettrai-je à l’abri des périls qui le menacent ? — Aujourd’hui, dit Tchéou-Yu, on voit de toutes parts des héros, des personnes supérieures qui se distinguent. Celui qui gagne à soi les hommes, réussira ; celui qui se les aliène, périra ! Appelez à vous, sans plus tarder, les sages à l’esprit profond, les gens habiles qui voient loin, pour en faire vos ministres, vos soutiens, et le royaume de Ou s’affermira.»

« Mon frère m’a dit : Pour les affaires du dedans, rapportez-vous à Tchang-Tsé-Pou ; pour les affaires du dehors, prenez conseil en toute occasion de Tchéou-Yu ! »

« Tchang-Tsé-Pou est un homme vertueux qui entend les affaires, répondit le général ; regardez-le comme le maître dont vous devez écouter les avis, et vénérez-le de même. Quant à moi, je suis sans talents, et je craindrais de trop mal m’acquitter des hautes fonctions qui me sont dévolues. Permettez-moi donc de vous recommander un personnage capable de vous aider à gouverner…. — Quel est-il ? — C’est un homme qui sait par cœur le San-Liéao et le Lou-Tao[2], un conseiller fertile en ressources et en stratagèmes. Privé de son père depuis son enfance, il se montre plein de piété filiale envers sa mère. Il possédait de grands biens ; mais ses richesses, il les a distribuées aux pauvres pour soulager leurs besoins. Quand j’étais gouverneur de Kuu-Tchao, passant un jour avec une centaine de soldats près de chez lui, je me trouvai sans vivres. J’allai lui en demander ; dans sa maison il avait alors deux greniers renfermant chacun trois mille mesures de grains. Au même instant, il en mit un à ma

  1. Littéralement  : je voudrais graisser la terre avec mon fiel et mon foie pour, etc
  2. Ce sont le sixième et le dernier des sept ouvrages fondamentaux sur l’art militaire des Chinois ; voir vol. Ier, page 296, note de la page 16.