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« Qu’on l’emporte pour l’enterrer, » dit Sun-Tsé, et quand il va pour sortir du temple, le fantôme se dresse de nouveau devant la porte ; personne ne peut le voir, excepté Sun-Tsé ; il attribue cette vision à la magie, et s’asseyant en face de la pagode, il ordonne à cinq ou six cents soldats de démolir l’édifice.

Les soldats montent sur les toits et enlèvent les tuiles ; mais ils sont tous renversés. Sun-Tsé aperçoit encore sur l’édifice le devin Yu-Ky, visible pour lui seul ; avec sa main il poussait les travailleurs en bas du toit. La colère de Sun-Tsé n’a plus de bornes ; il ordonne à tous ses soldats de mettre le feu aux quatre coins du temple ; mais au milieu[1] des flammes étincelantes, apparaît le Tao-Ssé ; il fait voler les briques et les lance autour de lui : Sun-Tsé retourne vivement vers son palais ; le spectre l’y attend à l’entrée… Alors au lieu de rentrer sous son toit, il convoque trente mille hommes de troupes, avec lesquels il va camper hors des murs, en rase campagne. La nuit, il la passe sous sa tente ; les soldats ont ordre de veiller et de faire des patrouilles autour du pavillon avec de longues lances et de lourdes haches. Vers minuit, lui seul voit arriver le Tao-Ssé, qui vient, les cheveux épars, se placer devant sa tente ; jusqu’au jour, Sun-Tsé pousse des cris comme un fou furieux, puis il se hâte de rentrer dans la ville.

Devant la porte de sa capitale, le jeune conquérant rencontre le fantôme ; cette fois il n’y prend pas garde et passe outre. Sa mère, à qui les gens de sa suite ont tout raconté, éclate en sanglots ; durant la nuit, le spectre lui apparaît dix fois, il ne peut fermer les yeux. Dès que le jour se montre, sa mère court près de lui ; elle le trouve dans un état de faiblesse alarmant.

« Mon enfant, s’écrie-t-elle, comme vous voilà changé ! » — Sun-Tsé se fait apporter un miroir, regarde son visage ; l’altération de ses traits l’épouvante, il se tourne vers ses serviteurs et leur dit : « Puisque ma physionomie a pris une pareille

  1. C’était le cas, dit en note la même édition, d’obtenir du ciel une pluie bienfaisante qui éteignit le feu !