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Voyant que ses exhortations ne produisaient aucun effet, sa mère ordonna en secret aux gens du palais de s’appliquer aux bonnes œuvres, pour sauver la vie de leur maître. Cette même nuit, vers la seconde veille, tandis que Sun-Tsé dormait dans sa chambre, des nuages s’élevèrent, et le vent éteignit la lampe placée sur sa table. Sun-Tsé la rallume et voila que sous les rayons de cette lumière, il aperçoit le sorcier debout, en face de son lit. Sun-Tsé s’appuie sur le chevet, saisit son glaive et s’élance vers le fantôme... ; l’arme rend un son métallique.

« Toute ma vie, s’écrie Sun-Tsé, j’ai fait serment d’exterminer les magiciens imposteurs, pour que la terre restât pure. Toi qui es un esprit des régions inférieures, pourquoi oses-tu m’approcher ! » — À ces mots le fantôme disparut comme s’il eût obéi.

Cette seconde scène causa à la mère de Sun-Tsé un nouveau chagrin ; et celui-ci, pour calmer ses alarmes, fit de violents efforts sur lui-même ; il tâchait de dissimuler l’épuisement de ses forces[1]. De son côté, voyant que la santé de son fils dépérissait chaque jour, la pauvre mère s’adonnait a de pieuses pratiques, jeûnait et faisait des sacrifices, espérant écarter de lui la colère divine. Mais Sun-Tsé instruit de toutes ces choses, lui disait  : « Votre fils a, dès son enfance, suivi son père dans ses campagnes, aux quatre coins de l’Empire, et jamais il ne l’a vu croire aux démons et aux esprits, ni leur témoigner aucun respect ; pourquoi donc ma mère leur rend-elle un culte si aveugle ? »

« Mon fils, répondait-elle, vous êtes dans l’erreur ; parmi tous les hommes qui naissent entre le ciel et la terre, en est-il un seul qui soit exempt de mourir ! Seulement, il existe une différence entre celui qui est pur et celui qui est souillé. Celui qui a conservé en lui sa pureté, monte, sans que les parties subtiles qui composent son être soient séparées, jusqu’au ciel et devient un esprit immortel ; celui qui n’emporte

  1. Sun-Tsé, ajoute le même éditeur, se montre plein de respect filial pour sa mère ; un immortel eût-il voulu perdre un fils aussi pieux ! — On sait que la piété filiale est pour les lettrés de la secte de Confucius, le principe de toute morale.