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feudataires ? je ne le pense pas… — Je ne suis point encore de votre avis ! — Mais enfin, si je ne suis maître du Su-Tchéou que par usurpation, s’il me manque d’être confirmé dans cette principauté par un édit impérial, voudriez-vous que je me conformasse aux usages des plébéiens ? — Oh ! non, ce serait une chose déraisonnable ! — Eh bien, alors, que voulez-vous donc ? »

« Écoutez : Aujourd’hui, dans tout l’Empire, chacun attaque son voisin. Votre bravoure, seigneur, vous a rendu puissant entre les quatre mers. Or, maintenant que vous contractez une alliance si intime avec Youen-Chu, de combien de seigneurs feudataires allez-vous exciter l’envie ? Si vous fixez (dans un avenir plus ou moins éloigné) le jour, l’heure favorable à la conclusion de cette alliance, et qu’à moitié de la route (qui vous sépare de la résidence d’Youen-Chu), des soldats placés en embuscade par vos ennemis se lèvent pour vous arrêter, que pourrez-vous faire ? Si le mariage n’est pas fixé, renoncez-y plutôt ; s’il l’est, emmenez votre fille à l’insu de tous vos rivaux. Quand vous serez arrivé avec elle dans la demeure de son futur époux, Youen-Chu ne manquera pas de choisir le jour que le sort désignera comme favorable, et le mariage s’accomplira. »

Liu-Pou, enchanté de ces conseils, promit à Tchin-Kong de les suivre à l’instant ; et sa femme, qu’il alla avertir de ses nouveaux desseins, s’écria : « Sans ce prudent mandarin, c’en était fait de l’avenir de notre fille ! N’hésitez pas à suivre ses avis ! » Aussitôt Liu-Pou remit au négociateur Han-Yn de l’or et des étoffes précieuses, comme présents de noces ; il fit préparer les épingles et autres ornements de tête, les ustensiles de ménage, les chevaux richement enharnachés[1], le char nuptial dans lequel la fiancée devait faire son entrée, puis chargea

  1. Le texte chinois dit simplement pao-ma, cheval précieux ; ce que le traducteur tartare rend par pobai hatame araha enguemou sohohai morin, c’est-à-dire cheval enharnaché d’une selle et d’une bride semées de pierres précieuses. Voir, sur les cérémonies du mariage, la description de la Chine, par l’abbé Grosier, livre XI.