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prosterner devant lui ? Je leur ai crié de cesser, mais ma voix n’a rien pu sur eux ; cet homme est de la même trempe que[1] les anciens Bonnets-Jaunes. Je ne puis lui faire grâce. » — Et comme elle insistait toujours, il ajouta  : « Ma mère, veuillez donc ne pas écouter les paroles ineptes de ces femmes ? La détermination de votre fils est bien arrêtée. »

Alors, il quitta sa mère et ordonna aux geoliers de faire sortir le devin de sa prison. Ceux-ci avaient dégagé le vieillard de ses chaînes et de sa cangue ; car ils le traitaient avec le respect qu’on doit avoir pour un père et pour une mère ; mais l’officier envoyé vers eux lui fit remettre ces instruments de punition avant de l’amener devant son maître. Cette indulgence avait exaspéré Sun-Tsé ; après avoir puni de mort tous les geoliers, il fit reconduire le devin en prison avec les fers aux mains. Cette fois, le conseiller Tchang-Tchao et dix autres personnages présentèrent en faveur du Tao-Ssé une requête signée de leurs noms  : « Vous êtes tous versés dans la connaissance des livres, leur dit Sun-Tsé, pourquoi donc allez-vous contre les rites ? Autrefois, Tchang-Tsin de Nan-Yang, étant vice-roi du Kiao-Tchéou de l’Empire des Han, s’éloigna des enseignements transmis par les saints de l’antiquité, abolit les lois et les coutumes suivies par la dynastie régnante ; il était toujours coiffé d’un bonnet rouge[2] ; il frappait l’instrument de pierre appelé , et brûlait des parfums, en lisant les livres de la fausse doctrine. Étant allé lui-même soutenir l’ardeur des troupes qu’il avait mises en campagne, il périt vaincu par les barbares du sud. Ceux qui l’ont imité, n’ont pas eu plus de succès. Vous êtes donc frappés d’aveuglement ? Cet homme a déjà sa place marquée

  1. Tchang-Kio, le chef des Bonnets-Jaunes, dit en note l’édition in-18, prétendait aussi avoir le talisman de la grande quiétude ; il le disait tout seul, car personne n’avait vu ce livre, ni ces recettes !
  2. Une note de l’édition in-18 nous apprend que ce Tchang-Tsin précéda Tchang-Kio ; le premier portait un bonnet rouge (couleur de la terre ) et proclamait que la terre rouge allait se lever ; le second portait un bonnet jaune (couleur du ciel) et proclamait que le ciel jaune allait se lever. — Le ciel et la terre représentent ici deux des trois pouvoirs. Voir la note de la page 8 du vol. 1°.