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Il est debout dans le milieu du chemin ; d’une part les généraux de la province soumise à Sun-Tsé, de l’autre les habitants de la ville, hommes et femmes, brûlent des parfums et se prosternent sur son passage en frappant la terre de leur front.

« C’est un sorcier, s’écria Sun-Tsé avec colère, allez me le saisir ! — Seigneur, répondirent les courtisans, cet homme habite les pays de l’est ; mais il a tant fait de tournées dans notre province de Ou, qu’il y a maintenant à côté de la ville un temple Tao-Ssé ! Il passe les nuits dans les méditations ; le jour, il brûle des parfums et enseigne la doctrine de Lao-Tsé  : avec de l’eau sur laquelle il a prononcé de magiques paroles, ce vieillard guérit toutes les maladies ; c’est un fait dont tout le monde rend témoignage, et ses contemporains le surnomment Chin-Sien, l’immortel divin. C’est le grand protecteur des contrées situées à l’orient du fleuve Kiang ; il mérite donc les plus grands égards[1] !... »

« Quoi, s’écria Sun-Tsé furieux, vous osez résister à mes ordres ! » Et comme il tirait son sabre, les gens de sa suite furent obligés de descendre dans la rue, d’aller chercher Yu-Ky (c’était le nom du Tao-Ssé), qu’ils amenèrent devant leur maître.

« Comment oses-tu aveugler le cœur des hommes, lui demanda Sun-Tsé ? — Le Tao-Ssé répondit : Le pauvre religieux est supérieur du couvent de Tsong-Y-Kué situé au lieu nommé Lang-Yé-Kong. Du temps de Han-Chun-Ty[2], comme il allait cueillir des herbes sur les montagnes, il trouva tout près de la source de Kio-Yang un livre magique, écrit en caractères rouges sur fond blanc, et intitulé : Tai-Ping-Tsing-Ling-Tao, La voie pour arriver à la grande quiétude, et à la restriction des sens. Cet ouvrage se composait de cent cahiers, conte-

  1. L’éditeur du texte in-18 qui proteste contre la superstition des Tao-Ssé, dit en note avec assez de raison  : Le docteur Hoa-To était médecin, on l’appela. Ce Tao-Ssé divin, en qualité d’être surnaturel, était médecin aussi ; or Sun-Tsé se trouvant criblé de blessures, pourquoi les généraux ne lui amenèrent-ils pas ce sorcier ? Sun-Tsé, s’il l’eût guéri, lui eût naturellement et très volontiers prodigué les mêmes égards qu’au médecin Hoa To.
  2. Chun-Ty des Han, régna de 126 à 145 de notre ère. Le vieillard qui racontait ces détails l’an 220, se donnait donc près d’un siècle d’existence.