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qu’un de ses élèves ; le jeune docteur, après avoir donné les premiers remèdes et appliqué l’appareil sur les plaies, déclara que la pointe de la flèche était empoisonnée et que le mal avait pénétré dans l’os de la joue ; un repos de cent jours devenait indispensable, durant lesquels le blessé devait s’abstenir de tout mouvement. Car si par l’effet d’un mouvement de colère, la plaie s’envenimait, il deviendrait difficile de la guérir.

Impétueux et violent par caractère, Sun-Tsé ne pouvait rester trois jours sans agir ; cependant il avait suivi les conseils du médecin pendant vingt jours, lorsqu’il apprit que son envoyé était revenu de la capitale ; il le fit appeler et lui demanda compte de sa mission.

« Tsao-Tsao a peur de votre altesse, répondit l’envoyé, et il a dit en soupirant  : Le jeune lion est désormais un rude adversaire ! — Mais, reprit Sun-Tsé en riant, ses conseillers militaires ont-ils tous peur de moi, eux aussi ? — Il n’y a que Kouo-Hia, dit l’envoyé, qui ne reconnaît pas la supériorité de votre altesse. — Eh bien, qu’a-t-il dit ? »

L’envoyé n’osait répéter les paroles de Kouo-Hia. Déjà dans sa colère, Sun-Tsé voulait le faire mettre à mort ; le pauvre homme fut donc obligé de dire la vérité. « Kouo-Hia, reprit-il, s’est exprimé ainsi devant le premier ministre : Sun-Tsé ne doit pas vous donner de sérieuses craintes ; c’est un étourdi qui ne sait rien prévoir ; eût-il un million d’hommes sous ses ordres, il n’oserait se poser en usurpateur dans l’Empire ! Il est impétueux, mais nul dans le conseil et bon seulement sur le champ de bataille. Il suffit de quelque sicaire pour le tuer et faire de lui un esprit méchant ! Un jour il périra de la main d’un homme du peuple ! »

À ces mots, Sun-Tsé laissa éclater sa colère  : « Le scélérat a osé m’injurier ainsi par des qualifications odieuses ! Les assassins qui m’ont attaqué sont assurément des émissaires de Tsao ! Je fais serment de me rendre maître de Hu-Tchang[1] et de me saisir de l’Empereur ! » Sans attendre que ses blessures fussent

  1. La capitale dans laquelle Tsao avait établi la cour.