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puis il ajouta  : « On vient de m’annoncer que votre jeune frère Yun-Tchang s’est séparé de Tsao ; il y a tout lieu de croire qu’il vous cherche ; nais je suis disposé à le mettre à mort pour venger les deux généraux qu’il m’a tués[1] ! — Ces deux généraux, je les compare à deux cerfs, et mon jeune frère a un tigre. En perdant deux cerfs, vous gagneriez un tigre, un héros précieux dans cette lutte acharnée contre le premier ministre.... Et vous iriez le tuer ? — Je voulais rire, répondit gaiement Youen-Chao, car au fond j’aime ce Yun-Tchang ; ainsi, envoyez-le chercher ; qu’il vienne ! — Je vais le faire appeler par Sun-Kien, » dit Hiuen-Té ; et à peine était-il sorti que Youen-Chao, tout joyeux, avait donné l’ordre d’amener le héros. « Si Hiuen-Té sort d’ici, lui dit aussitôt Kien-Yong, le conseiller, soyez certain qu’il ne reviendra plus ! — Alors, comment faire ? — Laissez-moi partir avec lui ; d’une part, je remplirai la mission auprès de Liéou-Piao, de l’autre, je surveillerai les mouvements de celui qui vous trompe. »

Youen-Chao (toujours indécis, toujours entraîné par le dernier conseil), applaudit à cette proposition. Déjà Hiuen-Té avait dépêché Sun-Kien en avant, et le lendemain, quand il vint prendre congé, Youen-Chao lui dit  : « J’ai peur que vous ne réussissiez pas seul dans votre entreprise, aussi je vous adjoins, à titre d’auxiliaire, Kien-Yong qui fera le voyage avec vous. » La-dessus, Hiuen-Té et Kien-Yong partirent de compagnie[2].

Comme ils s’en allaient, le conseiller Kouo-Tou vint dire à son tour : « Hiuen-Té a été chargé déjà d’une mission auprès de Liéou-Py (du Jou-Nan), et il n’a pas réussi. Cette fois, vous l’envoyez vers Liéou-Piao avec un collègue ; croyez-le bien, ils ne reviendront ni l’un ni l’autre. — Cessez d’exciter mes soup-

  1. Yen-Léang et Wen-Tchéou ; voir livre V, chap. V et VI.
  2. Littéralement  : Hiuen-Té et Kien-Yong ayant pris congé de Youen-Chao, montèrent à cheval et sortirent de la ville. — Ce sont là de ces détails minutieux, dont un écrivain chinois ne fait jamais grâce, mais qu’on ne peut nous reprocher d’omettre quelquefois. Par contre aussi, le texte n’offre guère de ces petites phrases de transition indispensables à la phraséologie française, et que nous nous permettons d’insérer çà et là dans la traduction.