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t’es-tu pas soumis à Tsao-Tsao ; n’as-tu pas reçu de lui un titre de prince, des présents, des honneurs ?... Va, tu crois me tromper aujourd’hui ? Combattons à outrance ; que l’un de nous deux reste sur la place ! »

« Tu ne sais pas ce qui s’est passé, répondit Yun-Tchang ; il est difficile pour moi de m’expliquer maintenant. Les femmes de notre frère aîné sont ici toutes les deux ; viens, viens les interroger ! »

« Beau-frère, s’écrièrent les deux dames en relevant les portières du char, car elles avaient entendu le dialogue, beau-frère, que signifie cette indignation ? — Pardonnez-moi, répondit le guerrier, il faut que je tue ce traître qui a violé ses serments ; vous, entrez dans la ville[1].

Kan, l’une des deux dames, lui expliqua par quelles circonstances Yun-Tchang, ne sachant où le rejoindre, avait été réduit à se soumettre à l’Empereur des Han et non au ministre Tsao. « A peine averti que Hiuen-Té avait cherché un asile près de Youen-Chao, ajouta-t-elle, il nous a amenées jusqu’ici, tout seul, à travers une grande étendue de pays ; cessez donc de lui reprocher des fautes dont il est innocent. »

« Celui qui est vraiment un héros sur la terre ne sert jamais deux maîtres, lui répliqua Tchang-Fey ; ne vous laissez point

  1. Dans ces dernières paroles, il y a une nuance de sentiments que l’édition in-18 fait connaitre par cette note : Ces deux dames étaient ses belles-sœurs aînées. Tuer devant elles un homme coupable d’infidélité envers un aîné, c’eût été commettre ce meurtre devant le frère ainé lui-même, — Se soumettre à Tsao, c’eût été manquer au serment qui le liait à Hiuen-Té. Manquer au serment qui le liait à Hiuen-Té, c’eût été manquer à la fidélité. Tant qu’il a été fidèle, il a été pour lui un frère ainé ; en cessant de l’être, il n’est plus qu’un homme ! Ce guerrier était vraiment un saint personnage ! — Et plus loin quand les deux dames prennent la défense de Yun-Tchang, une note ajoute  : Une première fois, Tchang-Fey (voir vol. I°, page 258), après sa défaite, abandonna entre les mains de Liu-Pou ces mêmes belles-sœurs ; Yun-Tchang lui fit de graves reproches, et Hiuen-Té l’excusa. Cette fois Yun-Tchang, après sa défaite, se retire avec les deux dames près de Tsao-Tsao ; Tchang-Fey l’accable de reproches et les deux femmes de Hiuen-Té l’excusent à leur tour. Entre ces deux passages fort éloignés, il y a un rapprochement à faire.