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m’avertir qu’un étranger, possesseur d’un cheval infatigable, passait la nuit sous le toit de son père, et que je ferais bien de venir lui enlever cet animal précieux. J’ignorais que cet étranger, ce fût vous, seigneur[1] ! Tuez ce bandit qui est le vrai, le seul coupable, car pour moi, votre serviteur, je ne suis rien dans tout ceci. »

« Non, dit Yun-Tchang ; le père de ce jeune homme m’a traité avec de grands égards, je ne veux pas le tuer.... » Et relâchant le coupable qu’on tenait la devant la tête de son cheval, il reprit  : « Vous ne m’aviez jamais vu ; comment donc saviez-vous mon nom ? »

« A quelques milles d’ici, répondit l’ancien Bonnet-Jaune, dans la montagne appelée Ngo-Niéou-Chan, demeure un homme du nom de Tchéou-Tsang, capable de porter sur ses épaules un poids de mille livres, à la barbe hérissée comme celle du dragon, au visage extraordinaire. Il a servi, lui aussi, parmi les Bonnets-Jaunes, sous les ordres de Tchang-Pao ; après la mort de son chef, il s’est caché dans les monts et dans les bois ; maintes fois, seigneur, il m’a parlé de vos exploits, et je désirais de pouvoir vous rencontrer. — Dans les montagnes, dans les forêts, reprit Yun-Tchang, avec un sourire flatteur, on a vu des gens honnêtes mener la vie de bandits ; à partir de ce jour, abandonnez la mauvaise voie pour suivre la bonne  : ne vous perdez plus ainsi ! »

S’inclinant avec reconnaissance, le chef des partisans allait prendre congé du héros, quand, à la vue d’une autre troupe armée qui se montrait à l’horizon, il s’écria : « Certainement, voici Tchéou-Tsang ! » Et il attendit à la même place. C’était bien Tchéou-Tsang ; ce dernier mit pied à terre et s’agenouilla à côté de[2] Yun-Tchang qui le pria de se relever en ajoutant  : «

  1. Littéralement  : mon père Yun-Tchang ; il emploie ce mot de père par respect.
  2. On ne dit pas en chinois s’incliner devant la personne que l’on rencontre, mais s’incliner à côté, le long de la route ; le cérémonial ne permettant pas d’aborder en face un supérieur. Il y a en sanscrit une locution analogue  : Parikrama, circumambulatio, l’action de tourner autour d’un supérieur pour le saluer.