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les bagages et les provisions, ils dûrent chercher un gîte. Une petite maison se présenta, vers laquelle Yun-Tchang se dirigea pour demander un abri. Quand il se fut fait connaître, le maître du lieu, qui était venu poliment à sa rencontre, répondit : « Je m’appelle Kouo-Tchang ; bien que toute ma vie se soit écoulée dans cette retraite, depuis longtemps le bruit de votre nom est arrivé jusqu’à mes oreilles. Quel bonheur pour moi de m’incliner devant vous ? »

Le vieillard ayant donné asile d’abord aux dames, tua pour elles un mouton et leur servit, au fond des appartements retirés, un repas dans lequel le vin ne fit pas faute ; puis, dans la grande salle de sa maison, il se mit à boire lui-même, en compagnie de Yun-Tchang et de Sun-Kien : pendant ce temps on faisait sécher les bagages ; les bêtes de somme réparaient leurs forces. A la nuit, entra, en compagnie de quelques hommes, un jeune garçon à qui Kouo-Tchang dit d’aller présenter ses devoirs au héros. « Quel est ce nouveau venu, demanda Yun-Tchang ? — Mon fils, seigneur. — Et d’où vient-il ? — De la chasse, » répondit le vieillard ; puis il ajouta les larmes aux yeux : « Toute ma vie, je me suis voué à l’étude ; les troubles survenus dans l’Empire m’ont contraint de me retirer dans la campagne et de m’adonner à l’agriculture. Je n’ai que ce fils qui s’obstine à ne rien apprendre ; courir après les bêtes sauvages, tel est son seul plaisir. Quel chagrin pour moi ! »

« Dans ces temps de guerres civiles, répliqua Yun-Tchang, on peut abandonner les livres pour embrasser la carrière des armes ; exceller dans l’art de lancer des flèches et de conduire un cheval, c’est un moyen d’acquérir des mérites et d’arriver à la gloire. Qu’y a-t-il donc la de si triste ! »

« Oh ! reprit le vieillard, s’il s’adonnait noblement à la profession des armes, j’en serais heureux ! Mais cet enfant se plaît dans le vagabondage ; il n’y a pas d’action mauvaise qu’il ne commette ! » Et la conversation ayant continué pendant une heure sur ce ton de confidence, chacun s’en alla prendre du repos ; le vieillard souhaita le bon soir à ses hôtes.

« Ce vieillard est un sage, dit Yun-Tchang à Sun-Kien, et son