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— Où allez-vous de ce pas, répondit l’officier ? — J’ai dit adieu au premier ministre et je vais rejoindre mon frère aîné. — Mais Hiuen-Té est près de Youen-Chao, et comme ce dernier est en hostilité avec le premier ministre, vous concevez que je ne puis vous livrer passage ! — Ce sont la des questions réglées d’avance, interrompit le héros. » Le commandant objectait enfin que Héou-Tun[1] avait établi sur les bords du fleuve Jaune son lieutenant Tsin-Ky pour en garder les deux rives. Ce dernier s’opposerait donc très certainement à ce que le fugitif traversât le fleuve.

« Voulez-vous me prêter un bateau pour passer sur l’autre bord, demanda Yun-Tchang ? — J’en ai quelques-uns, mais je n’ose les mettre à votre disposition[2] ! — Naguère, n’ai-je pas décapité deux généraux célèbres dans l’armée de Youen-Chao ? Vous-même, je vous ai délivré d’un grand péril, et aujourd’hui vous refusez de me livrer une barque ! — Le général Héou-Tun serait averti de cette complaisance et m’en ferait un crime… »

Voyant qu’il n’y avait rien à tirer de cet homme, Yun-Tchang fit partir le char en avant et marcha droit vers le lieu qu’occupait Tsin-Ky. Cet officier, loin de lui accorder passage, le reçut comme les autres, et lui demanda s’il était porteur d’un ordre signé du premier ministre. « Je ne suis pas son subordonné, reprit Yun-Tchang, quel ordre aurais-je de lui ? — Et moi, dit l’officier, je suis chargé par Héou-Tun de veiller a la garde de ce passage ; à moins de voler par-dessus, vous ne le franchirez pas. — Sais-tu, interrompit le héros, que j’abats ceux qui veulent m’arrêter dans mon chemin ? — Ah, oui ; tu as tué des officiers de rien, mais moi !… tu n’oserais ! »

« Tu te crois donc supérieur à Yen-Léang et à Wen-Tchéou, » hurla le héros ; et fouettant son cheval avec rage, l’officier se précipite vers lui le sabre au poing ; mais au premier choc, il tombe sous le cimeterre de Yun-Tchang.

« Je tue ceux qui s’opposent à mon passage, cria Yun--

  1. Voir plus haut, page 206.
  2. Voir plus haut, page 198.