Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retour à son camp ; alors, sans plus tarder, tu pourras frapper avec ce glaive ! — Faites la paix, reprit Liu-Pou, faites la paix, je vous y engage ; ne parlez plus de combat ! »

D’un côté Ky-Ling contenait son impatience, de l’autre, Fey, qui voulait à toute force combattre, criait avec colère : « Prenons nos lances, marchons ! » Et il agitait sa fameuse pique[1] d’un air menaçant ; Ky-Ling et Hiuen-Té avaient pâli. « Je vous exhorte à ne pas recourir à la voie des armes, répéta Liu-Pou, mais à vous en rapporter à la décision du ciel. »

À ces mots il dit aux gens de sa suite d’aller placer une lance hors des portes du camp, à une assez grande distance de la tente[2] ; puis il prit son arc, le tendit, y ajusta une flèche et se tournant vers les deux chefs qu’il voulait concilier : « D’ici[3] à la porte du camp, reprit-il, il y a cent cinquante pas. Si je perce avec cette flèche la tige bien mince de la lance plantée là-bas, vous devrez renvoyer vos troupes. Si je manque le but, vous retournerez à vos camps respectifs pour vous attaquer ensuite. Mais celui qui ne se conformera pas à la décision que je lui impose, sera puni de mort ! »

Tous les assistants approuvèrent cette convention ; et Hiuen-Té implorant le ciel et la terre disait en lui-même : « Puisse-t-il frapper le but ! »

Liu-Pou fit asseoir tout le monde et verser de nouveau une coupe de vin aux conviés ; puis, ayant relevé sa manche, il plaça la flèche sur la corde, tendit l’arc jusqu’à l’arrondir et lâcha le trait en s’écriant : « Frappé ! » Le ciel avait exaucé les vœux de Hiuen-Té ; la flèche vibrait dans la tige si frêle de la lance.

À cette vue Liu-Pou jeta son arc, s’assit de nouveau, et se releva pour prendre une main de chacun des deux généraux :

  1. Voir vol. Ier, page 12, et la note, page 295.
  2. On sait que la porte du camp est représentée par deux chariots, qui se placent à l’endroit où se réunissent les deux points extrêmes du cercle que forment les palissades. Voir mémoire sur les Chinois, vol. VII.
  3. Littéralement : du milieu du camp à la porte, il y a… La tente du général se trouve toujours au centre du camp.