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quand du haut d’une colline une voix frappa son oreille ; elle criait : « Arrête, arrête ! » Le héros aperçoit un jeune homme de vingt ans environ, coiffé d’un bonnet jaune[1], vêtu d’une tunique de soie brochée, la lance au poing, à cheval et suivi d’une centaine de fantassins. « Qui es-tu ? » lui demanda-t-il en le voyant galoper vers la plaine à sa rencontre ; le jeune guerrier jetant sa lance, sauta à bas de son cheval et se prosterna. Yun-Tchang ne se fiait pas à ces démonstrations ; cependant il fit halte, abaissa son cimeterre et questionna l’étranger.

« Je suis de Hiang-Yang, répondit le jeune homme ; je me nomme Léao-Hoa (mon petit nom Youen-Kien) ; les troubles de l’Empire m’ont conduit à mener la vie d’un vagabond et d’un brigand ; avec cinq cents hommes qui se sont réunis à moi, je maintiens mon indépendance. En rôdant au bas de cette colline, mon compagnon To-Youen a, par erreur, enlevé deux dames que nous avons conduites sur la hauteur ; mais en apprenant qu’elles sont les épouses de sa seigneurie Hiuen-Té, je me suis prosterné à leurs pieds. Elles m’ont dit comment elles se trouvaient en ce lieu ; elles m’ont raconté les exploits de votre seigneurie, et j’ai voulu aussitôt descendre de la colline pour me présenter à vous. Mon compagnon s’opposait à mes desseins, je l’ai tué ; voici sa tête que je vous présente ; j’attends le châtiment de mon crime[2] ! »

« Où sont les deux dames, demanda Yun-Tchang ? — Dans la montagne, où je les ai transportées afin de les mettre à l’abri de tout danger. — Ramenez-les, » dit le héros, et aussitôt cent hommes d’entre les brigands parurent, escortant le petit char. Yun-Tchang avait mis pied à terre ; le cimeterre dans le fourreau, les mains croisées sur la poitrine, il alla au-devant du char et pria les dames de lui pardonner d’avoir été la cause (involontaire) de la terreur qu’elles venaient de ressentir. « Sans ce

  1. Le bonnet jaune que portait ce chef de partisans était devenu le symbole de l’indépendance, maintenue au moyen du brigandage dans cet Empire en proie aux guerres civiles.
  2. On sait que c’est la formule usitée pour dire : Je suis à vos ordres, je me rends à discrétion, etc.