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le conseiller, elle ne s’en étonnera pas !. — Yun-Tchang est incapable de méconnaître la justice, répliqua Tsao ; en toute occasion il se dévoue à son maître, pourrait-il s’arrêter à d’autres considérations ? Après tout, il n’est pas encore bien loin ; je veux par une nouvelle marque d’égards, m’attirer son affection. Tchang-Liéao ira en avant le prier de m’attendre, afin que j’aie le plaisir de le reconduire ; je lui offrirai, pour les besoins de la route, un vase précieux avec une tunique rouge de soie brochée, convenable en cette saison d’automne ; l’engageant ainsi à se souvenir sans cesse de moi ! — Vous aurez beau faire, dit Tching-Yo, il ne reviendra pas en arrière. — Eh bien, répondit Tsao, je pars avec dix cavaliers. »

Tchang-Liéao prit donc les devants : quant au héros, monté sur son cheval fameux, d’une vitesse incomparable, il pouvait facilement se mettre hors de toute atteinte ; mais sa sollicitude à veiller sur le char l’empêchait de lancer l’animal ; il retenait la bride afin de marcher plus doucement. Derrière lui une voix se fit entendre, qui criait : « Yun-Tchang, ne va pas si vite ! — On m’appelle, pensa le héros ; certainement c’est quelqu’un qui a de mauvaises intentions ! »

Il recommande aux gens de l’escorte de suivre la grande route, en accompagnant avec soin le chariot ; puis il se détourne et voit Tchang-Liéao qui frappe son cheval et galope vers lui. De son côté il arrête le Lièvre-Rouge ; déjà le cimeterre recourbé brille dans sa main. « Ami[1], crie-t-il à Liéao, tu viens pour me saisir, n’est-ce pas ? — Je suis sans cuirasse, répond le mandarin, et ne porte aucune arme offensive ; qui peut motiver de pareils soupçons ? Son excellence, sachant que mon frère est parti, s’avance tout exprès pour lui faire la conduite, bien loin de former contre lui des desseins hostiles. »

« Si son excellence vient en personne, reprit Yun-Tchang, sans aucun doute elle a une autre pensée que celle-la ! — Non, dit le mandarin ; le premier ministre a déclaré que chacun était en droit d’agir dans l’intérêt de son maître, et qu’il ne fallait pas

  1. Il l’appelle par son petit mom Wen-Youen.