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« Kouan-Yun-Tchang, prince de Chéou-Ting, au service des Han, après s’être purifié[1], salue à plusieurs reprises, en lui adressant ces lignes, le grand ministre des Han, son excellence Tsao-Tsao. Voici ce que j’ai entendu dire : on distingue le ciel et la terre, le père et le fils, le souverain et le sujet[2]. Le principe subtil du ciel qu’on nomme Yang, s’élève, tandis que le principe plus grossier de la terre, qu’on nomme Yn, tend a descendre ; ces deux éléments premiers se correspondent. Si tous les êtres se conforment au temps que le ciel leur prescrit, ils prospèrent et se développent ; ils accomplissent ce qui est recommandé par les trois lois et les cinq préceptes[3]. Moi, je suis né dans l’Empire des Han ; j’ai juré a Hiuen-Té, parent de l’Empereur, de vivre et de mourir avec lui. Après avoir été battu à Hia-Pey, je me suis soumis à votre excellence ; mais ce n’a pas été sans établir trois conditions. Vous daignâtes les accepter, et ce fut la raison qui m’engagea à déposer les armes. Vous m’avez élevé en dignité au-delà de mes espérances, à tel point qu’il était difficile de ne pas rester au-dessous de pareils bienfaits[4]. Aujourd’hui, je suis informé que mon ancien maître Hiuen-Té, parent de l’Empereur, a trouvé un refuge dans les armées de Youen-Chao ; dès-lors il ne peut plus y avoir de repos pour moi. Je me rappelle la générosité de votre excellence avec une gratitude qui est profonde comme l’Océan ; mais je me souviens aussi du lien qui m’unit à mon ancien maître, et c’est à mon cœur un poids lourd comme une montagne. Partir est chose difficile ; rester

  1. C’est-à-dire, avec le plus cérémonieux respect.
  2. C’est-à-dire, il y a des devoirs réciproques entre le père et le fils, le prince et le sujet. Il a fallu développer un peu ces lignes pour les rendre intelligibles.
  3. Les trois lois sont les devoirs qui règlent les relations du prince et du ministre, du père et du fils, du mari et de la femme ; les cinq préceptes correspondent aux cinq vertus principales, qui sont : La bienveillance ou l’humanité, la justice, l’accomplissement des rites, la connaissance des devoirs et la véracité.
  4. Ké-Tang, littéralement : pouvoir, être assez fort pour équivaloir ; tang (Basile, 6, 232) a ici le sens de compensari.