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congé de Tsao et je ramène les deux dames près de vous. Quand je me suis soumis à l’Empereur, j’ai eu soin de poser des conditions[1] ; désormais mes obligations sont remplies ; rien ne peut l’empêcher de me laisser partir.

« La vue de votre lettre m’a fait l’effet d’un songe. Je prends le ciel et la terre à témoins des sentiments dévoués que je nour » ris dans mon cœur à votre égard ; mais comment dans une » lettre vous exprimer mes tourments et mes angoisses ! J’attends avec anxiété l’heure qui nous réunira, et vous supplie de prêter votre attention à ces paroles ! »

L’officier était parti avec cette réponse. Yun-Tchang alla prendre congé de Tsao qui, ayant déja deviné sa pensée, venait de faire placarder à sa porte l’ordre de ne laisser entrer personne[2]. Le cœur agité de mille pensées, Yun-Tchang prépara un char pour les deux dames que devaient escorter jour et nuit les vingt vétérans. L’une d’elles, Kan, appela le héros et se plaignit encore de ce qu’il n’annonçait point le jour du départ. « Sitôt que j’aurai dit adieu à Tsao, répliqua-t-il, je vous ferai monter sur le char ; mais vous abandonnerez ici tous les cadeaux que vous avez reçus ; il ne faut pas que vous emportiez même un brin de soie. — Beau-frère, reprit-elle, soyez prêt, partons sans plus tarder !.. »

Quand il se présenta de nouveau à l’hôtel du premier ministre, les gardes lui montrèrent l’ordre écrit ; et quoiqu’il vint à plusieurs reprises demander audience, la porte ne lui fut point ouverte. Il se décida à passer chez Tchang-Liéao, pour conférer avec lui sur cette question délicate ; le mandarin fit répondre qu’une indisposition le mettait hors d’état de se présenter. « Je le vois, se dit Yun-Tchang, Tsao ne veut pas m’accorder ce que je désire. Mais quand un homme de cœur s’est promis de partir, il perd son nom s’il reste en place ! » Et la-dessus il écrivit la lettre suivante :

  1. Voir plus haut, page 185.
  2. Voilà, dit en note l’édition in-18, le stratagème dont parlait Tsao, au moyen duquel il l’empêcherait de partir.