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comblera de joie, nous rassurer sur vos intentions futures. »

« Je sais un moyen de me ménager les bonnes grâces de Youen-Chu, et de ne pas m’attirer la colère de Hiuen-Té, dit Liu-Pou avec un sourire, après avoir lu cette lettre. — Quel est-il, demanda le général Kao-Chun ? — Vous le verrez par vos yeux ; l’expliquer par des paroles serait chose difficile ! »

Là-dessus, Liu-Pou envoya, dans les deux camps, un émissaire chargé d’inviter à un banquet les deux chefs venus pour se combattre. Le message fut reçu avec joie par Hiuen-Té, et il allait monter à cheval, quand ses deux frères adoptifs (Kouan-Kong et Tchang-Fey) essayèrent de le retenir, en disant : « N’allez pas, ô vous, notre aîné ; certainement Liu-Pou a quelque arrière-pensée ! — Non, reprit Hiuen-Té, j’ai déjà eu des preuves de sa magnanimité ; comment supposerais-je qu’il a contre moi de mauvais desseins ? » Et sans hésiter il partit ; ses deux amis dévoués le suivirent.

Arrivé au camp, il se présente : « Ah ! s’écria Liu-Pou en l’apercevant, je suis venu tout exprès pour vous tirer d’un mauvais pas. Une autre fois, quand vous serez dans la prospérité, n’oubliez pas le service que je vous ai rendu ! » Hiuen-Té, s’inclinant, salua son allié à plusieurs reprises et s’assit à ses côtés ; Kouan et Fey se tenaient debout derrière lui, le sabre en main. Tout à coup on annonça l’arrivée de Ky-Ling dans le camp, et Hiuen-Té tout épouvanté voulait fuir.

« C’est moi qui vous ai ménagé cette entrevue à tous les deux, dit Liu-Pou ; soyez sans crainte. » Hiuen-Té, qui ne devinait pas la pensée de son hôte, avait bien de la peine à calmer ses inquiétudes. À son tour, quand Ky-Ling, mettant pied à terre, vit en entrant son ennemi assis sous la tente, il fit un pas en arrière pour se retirer ; mais les officiers de Liu-Pou l’arrêtèrent, et ce général lui-même s’avançant à sa rencontre le retint en le prenant par l’épaule, comme s’il eût attiré à lui un enfant.

« Général, s’écria Ky-Ling, vous voulez me faire périr ? — Pas du tout ! — Alors, vous voulez tuer ce brigand que voilà (et il désignait Hiuen-Té). — Pas davantage ! — De grâce, général, expliquez-vous, dites un mot qui me rassure…