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Liu-Kien n’était pas très rassuré par cette réponse. Après avoir disposé à l’avant-garde les vivres et tous les bagages pesants, Tsao marchait donc vers Hien-Kin en suivant le fleuve ; lui-même, il était à l’arrière-garde, et de là, il entendit des cris d’alarmes dans les premiers rangs. Les gens qu’il dépêcha au plus vite pour savoir la cause de ces clameurs, rapportèrent que la grande division ennemie commandée par Wen-Tchéou, venait de se montrer ; les troupes s’étaient aussitôt dispersées en abandonnant les convois, et comme le dernier corps d’armée était bien loin en arrière, on ne savait quel parti prendre. Déjà les généraux, d’un commun accord, tendaient a reculer jusqu’au lieu nommé Pé-Ma, afin de s’y défendre. — Aussitôt Tsao-Tsao ramena toute la division sur la rive septentrionale ; et comme les vaincus, trouvant la route interceptée, fuyaient au hasard, il leur montra avec son fouet une colline du côté du sud, véritable lieu de refuge contre les coups de l’ennemi.

Cavaliers et fantassins s’y réunirent ; Tsao leur dit de délier les cuirasses afin de se reposer un peu, puis il voulut que tous les chevaux fussent lâchés. Les soldats victorieux de Wen-Tchéo arrivaient menaçants : « Voilà les rebelles ! À cheval, galopons vers Pé-Ma ! disaient les officiers. — Non, s’écria tout à coup une voix ; faisons face à l’ennemi ! Fuir. Et pourquoi ? » Tsao regarda celui qui parlait ainsi ; c’était son conseiller Sun-Yéou. Il fixa sur lui un regard perçant accompagné d’un sourire, et le conseiller, devinant sa pensée, n’ajouta pas un mot de plus.

Déjà les soldats de Wen-Tchéou avaient mis la main sur les vivres et sur les bagages ; ils enlevaient les chevaux abandonnés, rompant leurs rangs, courant ça et là en désordre. Ce fut alors que Tsao donna aux siens le signal de descendre de la colline et d’attaquer l’ennemi. En vain Wen-Tchéou essaya-t-il seul de résister ; il lui fallut tourner bride et fuir, tandis que du haut du monticule, Tsao le montrant du doigt s’écriait : « Cet homme est un général fameux dans les pays situés au nord du fleuve ; qui veut me l’aller prendre ? » Deux officiers se lancent en même temps ; le premier ministre a reconnu Tchang-Liéao et Su-Hwang. Ils se précipitent sur ses traces et crient en l’approchant : « Arrête,