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premier ministre et lui rendre compte de ce qui s’était passé.

« A-t-il regardé l’inscription, demanda le ministre ? — Oui, il l’a lue… — C’est que j’ai fait un oubli ! » Et la-dessus Tsao détruisant ce premier sceau, en fit faire un second sur lequel fut ajouté le mot Han[1]. Il chargea le même mandarin de l’aller remettre à Yun-Tchang, qui l’ayant regardé s’écria avec un sourire : « Son excellence a deviné ma pensée ! » Et il l’accepta en s’agenouillant (par respect pour l’Empereur de qui il tenait cet insigne de son nouveau rang). Ce fut alors que des émissaires vinrent annoncer qu’une partie des troupes de l’ennemi, sous la conduite de Wen-Tchéou, avait traversé le fleuve Jaune, tandis que le gros de son armée campait à Hien-Kin.

À cette nouvelle, Tsao-Tsao envoya aux populations de cette contrée l’ordre de se transporter sur la rive occidentale ; lui-même il partit avec ses trois corps d’armée. D’abord les soldats étaient en avant, et à l’arrière venaient les vivres et les fourrages ; il enjoignit à ses généraux de changer cette disposition. « Que les chariots marchent en tête, leur dit-il ; que l’arrière-garde, disposée au premier rang, protège le convoi ; l’avant-garde occupera ainsi la place du dernier corps. » L’un des officiers, Liu-Kien, lui demanda la raison de cette singulière manœuvre : « Nos chariots restant à l’arrière, répondit Tsao, pourraient être pillés en grand nombre par les rebelles ; voila pourquoi je les place en avant….. — Mais si nous rencontrons l’ennemi, cette arrière-garde placée en avant et chargée de défendre les vivres et les fourrages, n’osera combattre ; très certainement nous serons victimes de ces dispositions mal prises ! — Je sais à quoi m’en tenir ; quand l’ennemi paraîtra, tout sera calculé pour le combattre[2] ! »

  1. L’inscription signifiait ainsi : Sceau du prince de Chéou-Ting, serviteur des Han, ou nommé par les Han.
  2. Cette tactique de Tsao est exposée en forme de note à l’article IX de Sun-Tsé sur l’art militaire, vol. VII, page 112 des Mémoires sur les Chinois : Lorsque les armées chinoises allaient pour combattre, elles envoyaient une partie des chariots, fourgons et chars au-devant de l’ennemi, tant pour le tromper par l’appât de quelque butin, que pour se faire une espèce de rempart contre toute surprise. Lorsque ces chars étaient attaqués, il se détachait quelqu’un pour en donner avis au gros de l’armée.