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Tsou-Chéou sortit et dit en soupirant : « Le maître infatué de ses idées ne s’occupe guère des moyens d’exécution ! Le fleuve Jaune est débordé ; comment le traverserons-nous ? » Dès-lors il feignit d’être malade pour ne plus paraître au conseil.

Au même instant, Hiuen-Té exposa que n’ayant pas encore eu l’occasion de se rendre utile à un allié auquel il devait tant d’obligations, son plus ardent désir serait de se joindre a ce corps d’avant-garde ; d’une part, il acquitterait la dette de la reconnaissance ; de l’autre, il saurait quelque nouvelle de son frère Yun-Tchang. Agréant cette demande, Youen-Chao ordonna à Wen-Tchéou de prendre Hiuen-Té pour lieutenant ; ce que le général refusa, alléguant que cela porterait malheur aux troupes, d’avoir à leur tête ce chef encore sous le coup d’une défaite ; et la-dessus il se décida à partir seul.

« Emmenez-le avec vous, dit Youen-Chao voyant qu’il s’obstinait à ne pas s’adjoindre Hiuen-Té ; je sais par expérience qu’il a de grandes capacités.-Puisque vous voulez absolument que je l’emploie, répondit le général, je lui cède trente mille hommes et le place à l’arrière-garde ; s’il est vaincu, j’exige qu’on le punisse avec toute la rigueur des lois militaires.-Donnez-moi cette division, dit Hiuen-Té, donnez-la-moi ; je l’accepte de bon cœur ! » Et ils marchèrent ainsi ; Wen-Tchéou en avant avec soixante-dix mille hommes, Hiuen-Té à l’arrière-garde, commandant trente mille soldats.

Or, quand Yun-Tchang eut décapité Yen-Léang, Tsao lui témoignant encore plus de respect qu’auparavant, adressa à l’Empereur une requête, pour demander en faveur du héros le titre et le rang de prince de Chéou-Ting. Il lui envoya par son ami Tchang-Liéao[1] le sceau de sa nouvelle dignité, qui portait cette inscription : « Sceau du prince de Chéou-Ting ; » mais YunTchang refusa de l’accepter. « Quoi, s’écria Liéao, les mérites de mon frère sont-ils donc au-dessous de cette distinction ? — Mes mérites sont peu de chose, » reprit le héros ; et il persista dans son refus avec tant d’obstination, que Liéao dut rapporter le sceau au

  1. Voir plus haut, page 183.