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fleuve Ho, s’ouvrent et se séparent comme les flots de la mer ; il les divise en deux, se trace entre leurs lignes une large route et galope librement.

Du pied de sa grande bannière, Yen-Léang l’aperçut ; il voulut s’avancer vers lui, et avant d’avoir pu savoir son nom, tomba mort sous le glaive du héros. Quand ils le virent rouler sans vie, ses officiers éperdus prirent la fuite, abandonnant drapeaux, étendards et tambours. Yun-Tchang mit pied à terre, coupa la tête du vaincu, l’attacha au cou de son cheval, remonta précipitamment sur sa selle et, brandissant son cimeterre, sortit du milieu des bataillons ennemis comme s’il eût traversé des lignes fictives de combattants. Les plus renommés parmi les généraux de l’autre rive du fleuve, n’avaient jamais vu d’exemple d’une valeur si extraordinaire ; qui d’entre eux eût osé s’approcher de ce héros ?

Les troupes de Yen-Léang fuyaient en désordre ; celles de Tsao les ayant chargées, en tuèrent une immense quantité. Des chevaux, des cuirasses, des armes de toute espèce restèrent aux mains des vainqueurs. Remontant au galop la colline, Yun-Tchang présenta à Tsao la tête sanglante ; tous les officiers applaudissaient à sa victoire, et le premier ministre lui-même s’écria : « Général, vous êtes plus qu’un mortel ! — Ce n’est pas la peine de parler de si peu de chose, répondit le guerrier triomphant ; mon jeune frère Tchang-Fey[1] irait enlever une tête à travers toutes les armées du monde, aussi facilement qu’il plongerait sa main dans un sac pour en tirer une chose quelconque ! »

Tsao effrayé se tourna vers ses officiers et leur dit : « Dorénavant, si nous rencontrons ce Tchang-Fey, ne l’attaquons pas à la légère. » Et il voulut écrire ce nom sur la doublure de sa tunique, de peur de l’oublier.

  1. Du pays de Yen ; second compagnon d’armes et frère adoptif de Hiuen-Té.