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regrets tardifs l’empêchaient de la tenir, quel homme voudrait jamais se soumettre à lui ? — Frère, répliquèrent-elles, réglez toutes choses ; ce n’est point à des femmes comme nous qu’il convient de diriger les affaires. »

La-dessus, après avoir pris congé d’elles, Yun-Tchang partit avec une dizaine de cavaliers pour faire sa soumission. Tsao avait envoyé à sa rencontre les chefs de son armée ; les conseillers militaires s’y portèrent également, et le ministre en personne alla le recevoir hors des portes du camp. Descendant de cheval, Yun-Tchang se prosterna ; et comme Tsao lui rendait les mêmes politesses, il s’écria : « Le chef d’une armée vaincue est profondément touché, seigneur, de la bonté que vous avez eue de lui laisser la vie. Oserait-il recevoir de vous des marques d’un pareil respect ? — Je vous tiens depuis longtemps pour loyal et fidèle, répondit Tsao ; pouvais-je songer à frapper un homme comme vous ? Que suis-je ? Un ministre des Han ; vous êtes aussi au service de l’Empereur, et quoique nos rangs, nos positions ne soient pas les mêmes, j’honore vos qualités supérieures[1] ! »

« Votre émissaire a été chargé de vous transmettre pour moi les trois conditions que je propose, reprit Yun-Tchang ; j’espère que votre excellence, dans sa généreuse bonté….. — Quand je promets, dit Tsao, je m’adresse à tous les hommes de la terre ! Une promesse sur laquelle se repose le monde entier, pourrais-je donc ne pas l’accomplir ? — Dans le cas où mon maître serait vivant, je l’irai chercher partout, fallût-il me précipiter dans les flots ou dans les flammes. Mais je crains qu’au moment décisif, il ne me soit plus permis de partir… Seigneur, je vous en prie, accordez-moi cette grâce ! — Si Hiuen-Té est en vie, certainement vous irez le rejoindre ; mais il y a tout lieu de craindre qu’il

  1. L’édition in-18 supprime cette dernière phrase qui est cependant caractéristique dans la bouche de Tsao-Tsao, et la remplace par celle-ci plus banale : « En vous voyant, je sens se réaliser l’espérance de toute ma vie ; » puis, le même texte ajoute en note : Cet accueil est précisément celui que Youen-Chao (voir plus haut page 180) venait de faire à Hiuen-Té. Youen-Chao reçut ce dernier avec une politesse affectée et de vaines promesses ; Tsao-Tsao accueillit le héros vaincu avec un cœur froid et l’affectation d’une grande clémence.