Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Yun-Tchang les énuméra ainsi : « 1° J’ai juré à Liéou-Hiuen-Té, allié à la famille des souverains, de me dévouer ainsi que lui à la dynastie des Han. En ce moment je me soumets à L’EMPEREUR ; je ne me rends pas au ministre Tsao. Quand il s’agira de combattre, je n’aurai point d’ordre à recevoir de son excellence. 2° Les deux femmes de mon frère adoptif recevront la même pension que leur époux ; personne, de quelque rang que ce soit, n’entrera dans leur domicile. 3° Quand je saurai où est mon frère et maître, fût-il à mille lieues d’ici, il me sera loisible à l’instant même de l’aller rejoindre. Si une seule de ces conditions est rejetée, je ne me soumets pas ! »

Il pressa Tchang-Liéao d’aller porter ces propositions à Tsao et de venir lui rendre réponse ; celui-ci monta à cheval. « Ah ! répliqua Tsao en apprenant les résolutions de Yun-Tchang, ne suis-je pas le plus grand personnage de l’Empire ? Les Han, c’est moi ! J’accepte... » Telle fut sa réponse à la première condition ; en écoutant la seconde, il promit de l’exécuter en tous points, et de plus, de faire augmenter la pension de Hiuen-Té. Lorsque la troisième lui fut proposée, il hocha la tête et dit : « Quant à cette condition, elle est difficile à admettre ! A quoi bon nourrir cet homme si je ne puis me servir de lui ? — Seigneur, interrompit Tchang-Liéao, ignorez-vous donc ce que disait autrefois Yu-Jang[1], en parlant des gens du peuple et des sages de l’Empire ? Hiuen-Té a comblé Yun-Tchang de tendresse et d’égards ; que votre excellence sache se l’attacher aussi par un surcroît d’affections et de bons traitements ; il y a tout lieu de croire qu’elle le gardera auprès d’elle ! »

« Très bien, répliqua Tsao ; j’accepte les trois conditions ! » Tchang-Liéao remonta sur la colline où l’attendait le général vaincu. Celui-ci voulut de plus que Tsao retirât ses troupes hors de la ville, et qu’il l’y laissât pénétrer lui-même pour aller avertir

  1. Yu-Jang, né d’une famille distinguée en littérature et qui sortait du pays de Tsin, travailla au Li-Ky, au livre des Rites. Son frère Yu-Tan se fit un nom comme poète. Ici, il est fait allusion à un dialogue de cet écrivain, dans lequel, sans doute, on parle du moyen de s’attirer un ennemi en le comblant de bienfaits qui lui fassent oublier son premier maître.