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la mettre ainsi à l’abri de tout péril. Si vous périssez dans un combat, ses deux femmes restent sans appui ; la mort seule peut leur offrir un refuge contre la violence qui les forcera de manquer à la fidélité conjugale ; si d’autre part elles ne conservent pas leur chasteté, les voila devenues la propriété d’un autre époux. Dans ce cas encore, vous péchez contre votre frère aîné en négligeant ce qu’il vous a confié.

« Enfin, votre bravoure vous met au-dessus de tous les guerriers ; vous avez étudié à fond les livres anciens qui traitent de l’histoire et des rites. Or, vous vous êtes voué, de concert avec votre frère, à la défense de la dynastie des Han, au salut des peuples ; avez-vous oublié ces devoirs ? En courant au-devant de la mort, à travers l’eau et le feu, vous montrez un courage téméraire, inintelligent. Vous manquez à ce qui est dû aux ancêtres et vous déshonorez votre maître, bien loin de rester fidèle à vos engagements. — Telles sont les trois grandes fautes que je ne puis m’empêcher de mettre sous vos yeux à fin que vous les évitiez[1] ! »

« Hélas ! répliqua le héros en soupirant, en face de ces trois crimes, quel parti me conseillez-vous de prendre ? — De tous côtés les soldats de Tsao vous entourent ; si vous ne déposez les armes, vous êtes mort… Soumettez-vous, croyez-moi ; vous saurez ce qu’est devenu votre frère, et vous l’irez chercher. D’abord vous continuerez de veiller sur les femmes qui vous sont confiées, ensuite vous resterez fidèle à tous vos engagements ; enfin vous conserverez votre propre vie. Tels sont les trois avantages que je vous supplie d’apprécier ! »

« Vous m’avez parlé de trois belles actions à faire (ou de trois crimes à éviter), reprit Yun-Tchang ; eh bien, je propose à Tsao-Tsao trois conditions ; s’il les accepte, je délie ma cuirasse ; s’il les repousse, j’aime mieux commettre les trois grandes fautes et mourir ! — Son excellence est d’une générosité, d’une clémence sans bornes ; comment n’accepterait-elle pas vos conditions ?… Veuillez me les faire connaître ! »

  1. En mourant, le héros fût resté fidèle, tandis que Tchang-Liéao qui disait de si belles paroles ne l’était guère lui-même. » (Note de l’édition in-18.)