Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni pillage, ni désordre. Son excellence a envoyé des gens pour faire respecter toute la famille de Hiuen-Té, avec ordre de décapiter quiconque inquiéterait la moindre personne de la maison. Telles sont les assurances que j’avais à cœur de vous donner à l’égard… »

« Ah ! s’écria Yun-Tchang avec colère, voilà tout ce que tu viens me dire ? Je suis réduit à la dernière extrémité, eh bien, j’aime autant mourir que me rendre. Retire-toi. Je me précipite au bas de cette colline pour combattre ! »

Tchang-Liéao se prit à rire et répondit : « Voila une action qui déshonorerait à tout jamais mon frère aîné ! — Quoi ! en mourant par loyauté, par fidélité, je m’expose à la risée des siècles a venir… — Oui ; en cherchant la mort, vous commettez trois grandes fautes, et voila ce qui vous rendrait l’objet d’un éternel mépris. — Et ces trois fautes, quelles sont-elles, parle… ? »

« Les voici : Au temps où vous vous donnâtes réciproquement le nom de frère, Hiuen-Té et vous, ne jurâtes-vous pas de vivre et de mourir ensemble[1] ? Votre frère aîné, chassé de sa ville, a pris la fuite ; si vous fussiez morts en combattant à outrance l’un auprès de l’autre, votre nom à tous les deux se fût conservé glorieux dans la postérité. Mais vous n’avez pas fui ensemble ; en quelque lieu que soit votre frère aîné, il est sûr de trouver un appui. Supposez que vous périssiez maintenant ; quand il sortira de cette retraite forcée pour vous chercher (il ne vous trouvera plus). N’aurez-vous pas manqué de reconnaissance à l’égard de ce maître abandonné, violé ce serment de vivre et de mourir ensemble ? Vous trompez ainsi l’attente de votre frère et maître ; en courant à la mort, vous ne faites, malgré tout, qu’une action blâmable.

« Naguère, Hiuen-Té vous a confié sa famille entière, croyant

  1. Voir vol. I°, page 11. À cette occasion l’édition in-18 ( qui suit le roman avec plus d’intérêt qu’il ne nous est possible d’y en attacher), rappelle le passé et dit:Auparavant, Tchang-Fey a laissé prendre les deux femmes de son frère ainé (vol. I*, page 257) dans la ville de Hu-Tchéou ; cette fois Yun-Kong les laisse enlever dans celle de Hia-Pey. La première fois, ce fut la nuit, par suite de l’ivresse et du sommeil de Tchang Fey ; la seconde, ce fut en plein jour, pendant que Yun-Kong avait les yeux bien ouverts.