Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dura jusqu’au soir : Yun-Tchang rallia ses soldats sur une colline pour leur faire prendre quelque repos.

Mais déjà les divisions de Tsao s’avancent doucement ; elles entourent la colline ; Yun-Tchang voit s’élever du milieu de la ville des flammes qui montent jusqu’au ciel. C’était le signal donné par les transfuges. Le premier ministre venait d’entrer dans les murs avec la principale division ; en allumant ce feu, il cherchait à jeter le désespoir dans le cœur de Yun-Tchang, car les habitants et la garnison n’avaient point été inquiétés par les troupes victorieuses. La vue des flammes causait au héros absent une mortelle inquiétude : toute la nuit il tenta de descendre dans la plaine et de s’ouvrir une route ; des grêles de traits ne cessaient de l’assaillir, ses soldats tombaient blessés autour de lui ; et il remontait sur sa colline. A la pointe du jour, quand il veut encore essayer de rompre les lignes ennemies, un cavalier galope au-devant de lui en gravissant le tertre ; il reconnaît Tchang-Liéao. « Wen-Youen, lui crie-t-il (en l’appelant par son petit nom), viens-tu m’attaquer ? — Non, reprit l’officier ; à la faveur de l’ancienne amitié qui nous lie, je viens pour entrer en pourparler avec vous… » Et laissant la son cheval ainsi que son glaive, il s’avança au travers de la division, jusqu’auprès de Yun-Tchang.

Les deux amis s’assirent sur le sommet de la colline. « Wen-Youen, dit Yun-Tchang, tu es venu pour causer avec moi ?….. — Non, dit l’officier, autrefois dans cette même ville, mon frère aîné[1] m’a porté secours ; aujourd’hui puis-je ne pas lui venir en aide a mon tour ? — Alors, tu arrives pour me prêter main forte !… — Pas précisément. Écoutez : Tchang-Fey est-il mort ou vivant[2], personne ne le sait ; ses troupes sont dispersées complétement. Cette nuit, la ville de Hia-Py est tombée au pouvoir de Tsao ; mais il n’y a eu ni collision entre les troupes,

  1. Frère ainé est une expression familière et polie, dont on se sert en parlant à un ami supérieur par l’âge ou le rang. Tchang-Liéao fait allusion à l’accueil qu’il reçut, ainsi que son ancien maitre Liu-Pou après une défaite, dans la province appartenant à Hiuen-Té. (Vol. Ier, page 219).
  2. L’édition in-18 ajoute : « Hiuen-Té a disparu, on n’a plus de nouvelles de lui ; » ce qui complète l’idée.