Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand il vit que Youen-Chao ne voulait pas prêter ses troupes, Sun-Kien revint cette même nuit à Siao-Pey. « Quoi faire, quoi faire ? » disait Hiuen-Té qui se désolait en écoutant le récit de son envoyé : « Frère, s’écria Tchang-Fey (toujours[1] fougueux), je sais un excellent, un infaillible moyen de battre Tsao. Si ses soldats viennent jusqu’ici, ils seront exténués ; sans leur laisser le loisir de se fortifier, courons enlever leur camp ! »

« Je vous croyais brave et rien de plus, dit Hiuen-Té ; naguère, à l’attaque du camp de Liéou-Tay, vous avez employé la ruse avec succès, et dans la circonstance présente, en y recourant encore, vous agissez d’après les lois de la stratégie. Très bien, très bien ! En effet Tsao arrive de loin ; ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de vous porter au plus vite sur son camp. » Ce plan fut adopté.

Cependant Tsao, à la tête du principal corps d’armée, marchait contre Siao-Pey. Chemin faisant, il ressentit des vents impétueux, à tel point que devant la tête de son cheval, la raffale abattit une bannière. « Voila un présage[2], dit-il aussitôt, faites faire halte aux soldats ! » Puis il assemble ses officiers pour les consulter, bien qu’il fût parfaitement arrêté dans ses résolutions, et écouta leurs avis différents sur la manière d’interpréter le présage. Sun-Yo demanda de quel point de l’horizon avait soufflé le vent, et de quelle couleur était la bannière ?

« Le vent venait du sud-est, répondit Tsao ; la bannière était de deux couleurs, rouge et bleue. — Le présage n’a rien de fàcheux, dit Sun-Yo ; cette nuit Hiuen-Té attaquera très certainement les retranchements de notre armée ! » Tsao fit un signe de tête affirmatif, et au même instant entra Mao-Kiay (le devin), qui s’exprima dans le même sens et annonça les mêmes événements

  1. On se rappelle que Hiuen-Té, craignant la fougue et les emportements de son second frère adoptif, l’avait gardé près de lui.
  2. On a vu (vol. I", page 121) qu’un même présage avait annoncé la mort de Sun-Kien. Tsao ne voulant point agir contre les impressions secrètes de ses généraux, a la prudence de les consulter l’un après l’autre, et sans doute aussi l’esprit de faire répondre les plus influents dans le sens de sa propre pensée, selon ce précepte de Sun-Tsé : « Ne permettez pas qu'on tire des augures sinistres de tout ce qui peut arriver d'extraordinaire. » (Sun-Tsé, art 11)