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« Tong-Tcho, répondit le prince, a depuis longtemps expié son crime ; comment pourrait-il conspirer encore ? »

« Je ne parle pas de Tong-Tcho, mais de Tong-Tching !… » L’Empereur épouvanté, tremblant, affirma qu’il ne savait rien. — « Vous avez donc oublié le sang tiré de votre doigt et l’ordre écrit avec ce sang ? »

L’Empereur restait muet ; le ministre reprit : « Tout homme qui se révolte périt avec ses parents jusqu’au neuvième degré, qu’on emmène la fille de Tong-Tching et qu’elle soit décapitée ! — Hélas ! dit le souverain en suppliant, elle porte un enfant dans son sein ; j’espère que votre excellence aura pitié d’elle… »

« Si le ciel ne me fût venu en aide, c’en était fait de moi et de toute ma famille, répliqua Tsao avec dureté. En laissant vivre la fille d’un ennemi, je me prépare pour l’avenir de grands malheurs. — Au moins que votre excellence la garde enfermée jusqu’à ce qu’elle mette au jour cet enfant ! On la tuera ensuite… — Je consentirais à laisser naître un rejeton de cette race ennemie, pour qu’un jour il vengeât sa mère ! »

À ces mots l’Empereur fondit en larmes : « Hélas, s’écria-il ; que son corps reste entier, de grâce ! qu’il soit décemment voilé aux regards [1] ! » Tsao fit apporter un linceul blanc. « Quand vous serez au bord des neuf fontaines [2], dit l’Empereur à sa jeune épouse, ne vous détournez point de moi avec colère ! » Et il versait des larmes abondantes.

Dans sa fureur, Tsao reprocha au prince de pleurer comme une jeune fille ; puis il appela les bourreaux, qui, entraînant la

  1. L’édition in-18 met la phrase précédente dans la bouche de l’impératrice mère, et celle-ci dans celle de la princesse elle-même ; ce qui semble plus naturel et donne plus d’intérêt à cette scène tragique. « Cette jeune mère qui ne peut sauver l’enfant enfermé dans son sein, dit l’éditeur en note, demande avec des larmes que son corps ne soit pas mutilé par le glaive. O douleur ! O chagrins ! Je ne puis, en lisant ceci, retenir mes larmes ! »
  2. C’est-à-dire : N’emportez pas dans l’autre monde des sentiments de haine contre moi, de ce que je suis la cause (involontaire) de votre mort. Dans le Tso-Tchouen, une femme qui reproche sa mort à son mari lui dit : « Quand vous viendrez me rejoindre au bord des neuf fontaines, je me détournerai de vous avec colère. »