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souverain, calmez votre effroi, reprit le docteur ; je suis un client du ministre, il est vrai, mais dans mon cœur vit toujours le souvenir de ce que je dois à Sa Majesté ! Vos soupirs incessants, je les ai remarqués sans oser vous en demander la cause ; voilà que vous vous êtes trahi en rêvant ; vos véritables sentiments se sont manifestés, ne les cachez plus. Si vous avez besoin de mes services, je suis prêt ; fallût-il m’exposer à la mort, moi et tous les miens, je l’accepterais sans regret ! »

Se cachant le visage, Tong-Tching répondit avec des sanglots, que redoutant de rencontrer en lui un espion et non un complice, il n’osait encore découvrir tous les projets… À ces mots le docteur se coupa le bout d’un doigt avec ses dents [1]. Le serment fut scellé ainsi ; Tong-Tching, ayant confiance, se hâta de tout dévoiler à son nouveau complice ; il lui montra l’édit écrit par l’Empereur, lui fit connaître le nom des conjurés, et ajouta qu’aucun moyen ne se présentant d’accomplir ces projets, l’inquiétude, l’agitation l’avaient rendu malade.

« Sans qu’il soit besoin de vous mettre en peine, ni vous, ni vos complices, répondit le docteur, la vie du brigand Tsao est entre mes mains ; il n’en a qu’une, tôt ou tard je la lui prendrai ! — Et comment cela ?… — Voici la chose : Le traître Tsao est sujet à des vapeurs [2] à la tête ; quand elles le font souffrir, il m’appelle pour que je le soigne. Un jour ou l’autre, il aura recours à moi ; il me suffira de glisser un peu de poison dans un breuvage et c’en est fait de lui ; sans que vous ayez besoin de rassembler des armes et des soldats ! — Si vous nous prêtez votre concours, répliqua Tong-Tching, la dynastie, l’État sont sauvés ! Tout dépend de vous ! »

Le docteur se retire ; le cœur plein d’une secrète joie, Tong-Tching passe dans ses appartements intérieurs. Là, il voit un de ses esclaves nommé Tsin-King, en conversation intime avec une

  1. De cette façon, dit l’édition in-18, il fit comme l'Empereur qui avait écrit l’ordre avec son propre sang.
  2. Il ne s’agit pas précisément ici de vapeurs, mais de l’air, du vent, qui joue un grand rôle dans les livres de médecine chinoise. Voir vol. VI de la Description de la Chine, page 220, et suivantes.