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n’osant l’interroger sur la cause des soupirs fréquents qui soulevaient sa poitrine. Le quinzième jour du premier mois de cette année [1], comme le docteur demandait à se retirer, Tong-Tching le pria de rester près de lui, et ils vidèrent ensemble quelques coupes de vin. Les esprits du convalescent s’envolèrent à moitié, et s’endormant tout habillé, voici ce qu’il vit en rêve :

On lui annonce l’arrivée de Wang-Tsé suivi des trois autres conjurés, il va les recevoir : « Eh bien, s’écrie Wang-Tsé, notre grande affaire va réussir ! — Parlez, parlez, de grâce…, répondit-il lui-même. — Écoutez, continue Wang ; Liéou-Piao a fait alliance avec Youen-Chao ; ils ont levé cinq cent mille hommes de troupes, et s’avancent du côté du nord. Ma-Teng s’entend avec Han-Souy ; ils arrivent à la tête de deux cent mille hommes. Tsao a fait partir tout ce qu’il y a de soldats ici pour s’opposer à ces deux adversaires ; la ville reste déserte. Eh bien, réunissons les gens de nos cinq maisons ; leur nombre peut monter à mille. Ne laissons pas échapper l’occasion que nous offre la fête d’aujourd’hui ; entourons le palais du ministre et pénétrons jusqu’à lui pour le tuer. Le peuple nous prêtera main forte !… » Le conseil est adopté par Tong-Tching ; il appelle tous les gens de son hôtel, fait préparer des armes, se revêt de sa cuirasse, saisit sa lance et monte à cheval. Le lieu du rendez-vous est fixé devant la porte intérieure (dite Neuy-Men) ; de part et d’autre on met son monde en mouvement. À la seconde veille, tous les hommes armés sont réunis. Le sabre en main, Tong-Tching entre, et voyant Tsao qui festoie dans ses appartements retirés, il lui crie à haute voix : « Brigand, ne fuis pas, » et d’un coup de son glaive il l’abat !

Ce mouvement, qu’il exécute avec sa main, le fait tomber… ; il s’éveille. Mais en rêvant, il n’avait cessé de crier : « Tsao, brigand !… » Et un homme est là devant lui, qui dit d’une voix forte : « Voulez-vous donc égorger Tsao ? »

Tong-Tching ouvre les yeux et reconnaît le médecin ! Dans son trouble il ne peut articuler un mot de réponse : « Oncle du

  1. L’année chinoise commence au printemps. Ce quinzième jour du premier mois est celui où l’on célèbre la fête des lanternes.