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Tchang-Fey survint qui le serra de près, lui ôta tout moyen de fuir, et le fit prisonnier en un instant. Tous ceux qui l’accompagnaient déposèrent les armes.

Aussitôt Tchang-Fey envoya des courriers annoncer sa victoire à Su-Tchéou : « Notre frère Tchang-Fey, dit Hiuen-Té à Yun-Tchang en apprenant cette nouvelle, est d’une nature grossière ; mais cette nuit il a montré de l’intelligence, et je lui pardonne tout le passé ! » Là-dessus il alla à sa rencontre. « Frère aîné, lui cria le guerrier victorieux, vous m’appelez fougueux et violent ; que dites-vous de moi aujourd’hui ? — Eh ! répliqua Hiuen-Té, si je ne vous avais donné de bons conseils, auriez-vous cherché dans votre tête cette ruse qui vous a si bien réussi ? » Tchang-Fey ne put s’empêcher de rire à cette réponse.

Quand cet autre captif parut devant ses yeux tout garotté, Hiuen-Té descendit de cheval et le délia en lui disant : « Mon jeune frère s’est rendu coupable d’une injure envers vous [1] ! » Puis il le fit entrer dans sa ville (de Su-Tchéou), et donnant aussi la liberté à Wang-Tchong, il leur servit un repas. « Naguères, leur dit-il pendant le festin, Tché-Tchéou [2] voulait m’assassiner, je n’ai pu faire autrement que de le mettre à mort. Son excellence persiste dans cette vaine pensée que je me révolte contre l’Empereur, et vous avez été envoyés pour me demander compte de ce crime prétendu. J’ai reçu de son excellence de grands bienfaits, dont je gémis de ne lui avoir point encore témoigné ma gratitude ; et je songerais à me ranger parmi les rebelles !... Allez donc tous les deux à la capitale, et répétez de ma part à votre maître ce que je viens de vous dire ! »

« Seigneur, répondirent les deux généraux en s’inclinant, nous sommes reconnaissants au plus haut degré de ce que vous nous accordez la vie ; pour gage de votre fidélité, nous laisserons entre les mains de Tsao-Tsao nos propres familles ! » Hiuen-Té accueillit leur réponse avec une respectueuse bienveillance ; le lendemain

  1. Hiuen-Té veut s’excuser devant son prisonnier et lui demander, en quelque sorte, pardon du malheur qui lui est arrivé.
  2. Voir plus haut, page 134.