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Instruit du désastre de son collègue, Liéou-Tay se gardait bien de sortir de ses retranchements ; il se montrait même insensible aux provocations journalières de Tchang-Fey, qui n’avait pas tardé à paraître devant son camp fortifié. Ce dernier mit à exécution le stratagème que voici : l’ordre fut donné d’attaquer à la seconde veille de cette même nuit, les lignes de défense élevées par Liéou-Tay. Pendanl tout le jour, Fey resta a boire sous sa tente ; il feignit ensuite d’être ivre, fit frapper rudement un soldat coupable de quelque méfait, et dit à haute voix : « Tenez-le dans le camp bien garotté ; dès que je serai sorti pour combattre, vous le mettiez à mort à la vue de tout le monde.» Secrètement, il recommandait à ceux qui le gardaient de lui laisser l’occasion de s’enfuir. Le soldat parvint facilement à s’évader ; quittant son camp, il courut droit à celui de Liéou-Tay, et Tchang-Fey qui guettait l’instant, ne le sut pas plutôt en fuite, qu’il divisa son armée en trois corps. Une trentaine d’hommes reçurent l’ordre d’aller incendier les retranchements ; les flammes donneraient aux deux divisions d’attaque le signal de s’élancer à leur tour de derrière le camp.

De son côté Liéou-Tay, voyant arriver en fugitif ce soldat tout meurtri, ajouta foi à ce qu’il lui rapportait de l’état des choses dans l’aimée ennemie. Il se décida même à laisser son camp sans défense, pour aller hors des retranchements attendre les troupes de Tchang-Fey [1]. Celui-ci, à la tête de ses meilleurs soldats, avait couru en hâte se poster de manière à couper la retraite à Liéou-Tay. Les trente hommes détachés de la division du centre, pénétrèrent dans le camp et y mirent le feu ; Liéou-Tay et les siens, arrivés furtivement près des tentes ennemies, ne virent personne, mais les deux divisions de Tchang-Fey tombant sur eux, ils se troublèrent. Au milieu du désordre, Liéou-Tay, à la tête d’une poignée de braves, cherchait à s’ouvrir la route, quand

  1. Lesquelles, d’après les rapports du transfuge, devaient venir l’attaquer. Cette ruse, qui consiste à maltraiter un soldat, coupable ou innocent, pour qu’il aille dans le camp ennemi porter de fausses indications, est très souvent employée dans le San-Koué-Tchy. On en a vu (vol. Ier, page 851, et la note, page 337), et on en verra dans la suite des exemples fréquents.